Raymond Gabriel Albert Lambert (1889-1967), qui signait Raylambert, ne mérite pas, après une vie entière consacrée à l’illustration, l’oubli où il est tombé. Picasso saluait en lui "l’un des plus grands illustrateurs de manuels scolaires de tous les temps", Dalí le définissait comme "le chaînon cosmique manquant entre Benjamin-Vache qui rit-Rabier et Mr.-Tintin-Hergé". Il est vrai que Raylambert, comme le montrent Daniel Durandet et Yves Frémion, est l’auteur d’une œuvre considérable et multiforme (dessins, peintures, livres, couvertures de magazines, affiches, bons points…), à l’inspiration variée mais toujours positive, et qu’il serait largement digne d’une grande rétrospective. Pourquoi pas aux Arts déco, où il fut élève en 1909, puis professeur, avant d’aller enseigner le dessin chez ABC durant quarante ans ?
Mais ce pour quoi Raylambert fut célébré, et devrait demeurer dans l’histoire, c’est pour avoir, dès les années 1920, "révolutionné" le genre du manuel scolaire, alors bien austère, voire rébarbatif, en y introduisant ses dessins, en noir puis en couleurs, puisés dans des univers familiers : les animaux (l’une de ses grandes passions), les métiers, les saisons, l’exotisme, mais aussi la misère. Raylambert est tendre, jamais mièvre. On retiendra de lui Le livre unique de français (1930), avec Louis Dumas, Au pays bleu (Belin, 1941), roman scolaire illustré d’Edouard Jauffret, et tant de manuels d’arithmétique, de grammaire ou de conjugaison rendus bien plus aimables pour les têtes blondes de l’époque. C’était au temps où l’école enseignait, en marge du fracas du monde - sans y être sourde. C’était il n’y a pas si longtemps. De quoi faire rêver les enfants d’aujourd’hui. J.-C. P.