21 octobre > Essai France

Avocat, Yoram Leker doit passer plus de temps dans les musées à dénicher les pires nanars, puis à écrire, que dans les prétoires. On s’en réjouit, puisque cela lui a inspiré ce Fuyez le guide ! farfelu et jubilatoire, où histoire de l’art et analyse de tableaux "officielle" en prennent pour leur grade. Ce qui ne veut pas dire que cet objet littéraire non identifié soit un acte gratuit. Il est érudit, bien écrit, avec un humour plus british que nature.

Leker a sélectionné dix-sept toiles de maîtres présentées chronologiquement, depuis Le retour du doge Andrea Contarini à Venise après la victoire des Vénitiens sur les Génois à Chioggia, exécuté par Véronèse en 1585-1586, jusqu’à Equation de Catharina Van Eetvelde, 2007. En passant par Velasquez, David, Ingres, Vallotton ou Malevitch, dont le White on white de 1918 lui donne bien du fil à retordre. Pas facile d’être brillant face au "premier monochrome de la peinture contemporaine". Il se montre plus à l’aise avec les artistes du passé, surtout ceux "à sujet", comme David. Le chapitre sur son Erasistrate découvrant la cause de la maladie d’Antiochus, qui lui ouvre les portes de l’Académie de France à Rome en 1774, est sans doute le plus réussi. Leker ne s’interdit rien, faisant parler les personnages, inventant le contenu d’une lettre, voire une sombre histoire d’adultère (La mauvaise nouvelle de Marguerite Gérard), ou même, à propos de Qui a planté ce clou ? Je ne sais pas d’Ilya Iossifovitch Kabakov (1972), une mini-pièce à la Tchekhov. Il joue sur tous les registres, n’hésitant pas à moderniser les histoires qu’il raconte. Ainsi, la sanglante rivalité amoureuse des frères Malatesta, mis en scène par Josef Anton Koch en 1806, revêt des allures de sitcom, tandis que l’entretien d’embauche de La lettre de recommandation de David Wilkie (1813) peut se lire comme une satire du piston.

Il y a, chez Yoram Leker, héritier putatif de Pierre Desproges, un romancier qui sommeille. Gageons que cet essai va lui donner envie de développer son talent et son atypicité. J.-C. P.

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