Disparition

Le monde de l'édition rend hommage à Hugues de Saint Vincent

Hugues de Saint Vincent - Photo Olivier Dion

Le monde de l'édition rend hommage à Hugues de Saint Vincent

Le décès de l’éditeur à l’origine du groupe Mango et à la tête de la maison Hugo & Cie a ému la profession. Hommages à un éditeur charismatique et généreux.
 

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Par Léopoldine Leblanc
Créé le 04.05.2018 à 16h49

Fondateur du groupe Mango en 1990, puis de la maison Hugo & Cie en 2005, Hugues de Saint Vincent est décédé le 1er mai d’un cancer, à l’âge de 60 ans. "Entrepreneur audacieux et créatif, il demeurera comme un éditeur dénicheur de talents", souligne l’équipe de sa maison d’édition dans un communiqué. Editeurs et confrères  ont tenu à lui rendre hommage avant la cérémonie qui se déroulera à l’église Saint-Honoré-d’Eylau, à Paris (XVIe), mercredi 9 mai à 10h30.
 
Christophe Absi, directeur littéraire chez Flammarion, qui a travaillé sept ans avec Hugues de Saint Vincent, éditant un des succès de la maison, Le cahier de vacances pour adultes.
"Passionné, fidèle et épicurien, Hugues était un patron charismatique qui vous donnait envie de le suivre jusqu’au bout du monde. La dernière fois que je l’ai croisé, il m’a demandé: «La vie est belle ?», mais dans ses yeux j’ai bien compris qu’il s’agissait d’une injonction. Je n’oublierai jamais tout ce que j’ai appris à ses côtés, professionnellement bien sûr, mais surtout humainement."
 
Didier Baraud, directeur de la Martinière-Jeunesse Seuil-Jeunesse [Témoignage complet publié dans Livre Hebdo n°1172 du 4 mai 2018]
"HSV, 3 lettres pour résumer Hugues de Saint Vincent ? Impossible ! tant Hugues était multiple, puissant et généreux ! D’une rare générosité avec les gens, d’une rare écoute. […] Cette immense curiosité sur les gens, sur le monde, en a fait un des éditeurs les plus visionnaires et atypiques de ces trente dernières années."

Anna Pavlowitch, directrice littéraire de Flammarion
"La disparition d’Hugues de Saint Vincent n’est pas seulement terriblement triste, elle est aussi insensée car une des choses qui le définissait est le lien indissociable qu’il avait tissé entre sa vie et son métier d’éditeur. Hugues a vécu plus intensément, plus librement, plus joyeusement que la plupart d’entre nous. Il a donc été éditeur de la même façon. La puissance de sa vitalité était contagieuse pour ses amis comme pour ses collaborateurs, et c’est pour cela qu’il a été un merveilleux patron d’édition et un ami précieux. Il n’a pas été seulement l’homme des immenses succès en new-romance, mais aussi celui qui a su attirer et former des talents, fédérer des éditeurs indépendants et offrir à ses auteurs comme à ses salariés une maison d’édition, chaleureuse et dynamique, qui était avant tout une maison. Comme tous les grands joueurs de poker il était là, il sera là, pour nous rappeler qu’à l’heure des études de marché et des cost killer, un éditeur est avant tout un homme qui comprend son époque, croit en ses intuitions, prend des paris et embarque joyeusement les autres."

Joëlle Losfeld, éditrice. La maison de Joëlle Losfeld a rejoint le groupe Mango de 1997 à 2003 avant d’être rachetée par Gallimard.
"On dit toujours des choses banales quand une personne disparaît. Hugues était tout le contraire de la banalité. Il avait cette espèce d’entrain, de pulsion, d’empathie de se fondre dans les projets qui lui plaisait, et dont il n’était pas toujours partie prenante. Il était à la fois ce qu’on demande à un éditeur – c’est-à-dire une sorte d’aventurier – et en même temps un chef d’entreprise. Il avait cette qualité d’être convaincu et convaincant. De savoir convaincre son interlocuteur de venir danser avec lui. Tout les gens qui ont connu cette époque reconnaissent qu’ils ont eu la chance et le plaisir de le rencontrer. On travaillait beaucoup, et on s’amusait beaucoup aussi."
 
Bertrand Pirel, ami de longue date, qui dirige les collections "Hugo Sport" et "Hugo Thriller" chez Hugo & Cie.
"J’ai envie de dire à quel point c’était quelqu’un d’extraordinaire, à quel point je l’aimais et à quel point il va me manquer. J’adore ce métier, mais, pour autant, j’ai fais une petite pause, et je ne serai pas revenu si ça n’avait pas été avec lui. Car il avait cette conception bienveillante, généreuse et humaniste du métier. Dans ces messages, il me parlait de ce qu’on avait ensemble: «une camaraderie d’ouvriers du livre», il appelait ça. C’était à la fois un visionnaire, un stratège et vraiment un ouvrier qui aimait son métier dans toutes ses composantes. Et le fait d’être un éditeur populaire oblige encore plus en terme de qualité et de niveau d’exigence. Hugues était un brasier dans la maison, celui qui nous apporte sa flamme, son énergie, et celui auprès duquel on va venir se réchauffer. C’est quelqu’un qui vous fait grandir à la fois professionnellement et personnellement chaque jour. On a tous perdu à la fois un patron, un camarade, un mentor et un ami. Et je ne connais pas d’autres exemples de quelqu’un qui ait pour tout le monde une place affective et émotionnelle aussi forte dans nos vies. C’est complètement fou d’inspirer ça, et de l’inspirer auprès de personnes aussi différentes."

Jean-Loup Chiflet, qui dirige la collection "Chiflet & Cie".
"J’ai passé 50 ans dans l’édition et j’en ai passé 20 avec Hugues. Ça a été mes 20 plus belles années. C’était une espèce de franc-tireur. Il m’a autorisé à faire une collection qui s’appelait Mots & Cie, et c’est là-dedans que j’ai monté Chiflet & Cie où j’ai fait ce que j’ai voulu. C’était à la fois un seigneur et un corsaire. Un vrai trompe-la-mort qui a pris des risques considérables toute sa vie, en commençant avec sa santé: il fumait, il buvait, il allait à fond sur sa moto. Sa vie est hallucinante et c’était un homme extrêmement généreux qui avait la passion des bateaux, de la fête et du Brésil."

Sur Twitter, les hommages de la profession à cet "éditeur entrepreneur" et "gentil corsaire" ont été nombreux:

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