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Le Livre sur la Place : du petit salon au festival « total », itinéraire d'un succès nancéien

Le Livre sur la Place 2024. - Photo Ville de Nancy

Le Livre sur la Place : du petit salon au festival « total », itinéraire d'un succès nancéien

Chaque année, le monde du livre se bouscule à Nancy pour prendre part au Livre sur la Place. Pour la 47e édition, qui se tient du 12 au 14 septembre 2025, quelque 550 écrivains sont attendus sous le chapiteau de la Place de la Carrière, mais aussi des éditeurs, des libraires, des journalistes, et tout un peuple de lecteurs. Parrainé depuis ses débuts en 1979 par l'Académie Goncourt, le festival est vite devenu un rendez-vous immanquable de la rentrée littéraire. Retour sur cette success-story, avec certains de ses artisans.

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Par Souen Léger
Créé le 11.09.2025 à 17h00 ,
Mis à jour le 12.09.2025 à 10h02

« S'il y a bien une rentrée des classes, c'est à Nancy que ça se passe » , lance Christophe Ono-dit-Biot à quelques jours de la 47e édition du Livre sur la Place qui se tient cette année du 12 au 14 septembre. L'auteur et journaliste n'en a jamais manqué une édition depuis l'an 2000 et la parution de son premier roman, Désagrégé(e) (Plon). Et il n'est pas le seul. Nombreux sont les auteurs, éditeurs, journalistes, à manifester une fidélité sans faille au salon qui donne chaque année le top départ de la saison des prix littéraires.

« Traditionnellement, Nancy ouvre la saison et la Foire du livre de Brive la clôture, appuie l'éditrice Héloïse d'Ormesson. Entre les deux, il y a des salons importants mais ils n'ont pas l'aura et l'éclat de ces deux-là. » Un prestige qui tient, pour le Livre sur la Place, au parrainage de l'Académie Goncourt depuis sa création en 1979, ainsi qu'au décor somptueux offert par la Place de la Carrière qui fait partie, avec la place Stanislas dont elle est séparée par l'arc Héré, de l'ensemble architectural Unesco du XVIIIe siècle.

De 20 à 500 auteurs

« Nancy est une ville chaleureuse, suffisamment petite pour que tout le monde se croise, nous sommes comme une famille qui se retrouve », souligne Sarah Polacci, commissaire générale du Livre sur la Place depuis 2022. Une famille qui rassemble pas moins de 550 écrivains, français comme étrangers, dont 237 en programmation. Cette année, l'affiche est d'ailleurs prometteuse avec Guillaume Gallienne en président, la première venue de Jean-Marie Gustave Le Clézio sur le salon, et tout ce que la rentrée littéraire compte de stars et voix montantes.

« C'est un salon sur lequel on ne peut pas faire l'impasse. Quand on a des auteurs pour lesquels on a des attentes pour les prix, c'est bien qu'on les voie à Nancy », affirme Héloïse d'Ormesson qui y sera avec les écrivains Daniel Bourrion, Jean Michelin, Lorraine Fouchet, Manon Fargetton, et Olivier Mannoni. L'ensemble est pimenté par la présence des jurés Goncourt qui coprésident notamment, avec le maire de Nancy, un grand dîner le vendredi soir.

Pourtant, au commencement en juin 1979, Le Livre sur la Place c'est « quelques tables, vingt auteurs réunis sous l'arc Héré, et des libraires qui distribuent de la soupe par un temps épouvantable », se souvient Françoise Rossinot, commissaire générale de la manifestation de 2011 à 2018, et désormais déléguée générale de l'Académie Goncourt.

Mais déjà, pour cette première édition, les académiciens répondent à l'appel. « Nancy est la ville où Edmond de Goncourt est né, ce qui a donné envie à Mia Romero, une journaliste de L'Est républicain, d'essayer de monter un salon en demandant aux académiciens s'ils souhaitaient le parrainer », retrace Françoise Rossinot. Emballés, les libraires de Nancy se regroupent quant à eux en association sous le nom Lire à Nancy, tandis que la mairie embarque elle aussi à bord du projet.

L'attachement des Goncourt

Cette union sacrée fait, aujourd'hui encore, la force de l'événement, et lui permet de grandir. Bientôt installé sous un chapiteau place Stanislas, le salon recule ensuite dans le calendrier, passant en 1982 de juin à septembre, en raison d'un mois chargé en manifestations sportives cette année-là. « Ce changement, qui inquiétait tout le monde, l'a finalement propulsé premier salon de la rentrée littéraire », observe Françoise Rossinot. En 1988, l'Académie Goncourt confie même ses archives, jusqu'ici déposées à la Bibliothèque de l'Arsenal, à la ville de Nancy.

Un attachement à la manifestation partagé par l'actuel président de l'Académie, Philippe Claudel, qui y reçut son premier prix pour son roman Meuse l'oubli (Balland), lauréat de la Feuille d'or de la ville de Nancy en 1999. « Les Lorrains sont généralement trop modestes : on a subi les aléas de l'Histoire, ça a forgé un caractère discret mais c'est le plus grand festival de littérature en France, il faut oser le dire », affirme l'écrivain né à Dombasle-sur-Meurthe. « Nancy, très tôt, a compris qu'il fallait que ce ne soit pas seulement un marché aux livres ou aux dédicaces mais autre chose, ce dont témoigne aujourd'hui la programmation pléthorique », estime l'académicien qui y voit un festival « total ».

C'est à ses commissaires générales successives que l'événement doit cette transformation, notamment à Françoise Rossinot qui avait initié en tant que journaliste, dès 1994, les grandes rencontres du Livre sur la Place, fidélisant un public d'abord féminin tout au long de l'année. Puis, en tant que commissaire générale, elle en fait un salon de débats et d'entretiens. « Quand je suis partie en 2018, il y avait environ 150 rencontres dans plusieurs salles, dans toute la métropole et au-delà, vers des publics éloignés de la lecture », détaille-t-elle. Une profusion que Marie-Madeleine Rigopoulos, commissaire générale de la manifestation de 2019 à 2021, puis Sarah Polacci, ont alimenté à leur tour.

Une programmation haute couture

Cette année, la programmation propose par exemple une lecture-performance entre Max Lobe, auteur de La danse des pères (Zoé), le musicien Alexandre Longo, alias Cascadeur, et Nathan Gracia, danseur au CCN - Ballet de Lorraine.

Un volet « sciences et littérature » offre par ailleurs des rencontres entre des chercheurs et des auteurs. Ainsi, Adèle Yon, phénomène éditorial avec Mon vrai nom est Elisabeth (Ed. du Sous-sol), une enquête-récit autour de l’histoire d’une aïeule jugée folle, dialoguera avec Ariane Bazan, professeure des universités en psychologie clinique et psychopathologie. « Elle fait de la haute couture dans sa programmation », remarque Françoise Rossinot au sujet de Sarah Polacci.

Outre cette vision audacieuse, Le Livre sur la Place peut compter sur une dizaine de partenaires publics ainsi qu'une vingtaine de partenaires privés qui dotent certains prix décernés lors de l'événement. Parmi ces récompenses – neuf sont remises au total – figurent le Goncourt de la Biographie Edmonde Charles Roux, le Prix des libraires de Nancy - le Point (attribué cette année à Laurent Mauvignier), mais aussi le prix Stanislas, meilleur premier roman de la rentrée (remis à Agnès Gruda cette année). « C'est émouvant tous ces primo-romanciers invités, il y a un côté bal des débutants, et tout le monde se mêle autour de cette place mythique », se réjouit Christophe Ono-dit-Biot. « Un public très nombreux se presse sous le chapiteau. Or toute la chaîne du livre a besoin de voir cette liesse, ça fait chaud au cœur », abonde Héloïse d'Ormesson.

Pour cette 47e édition, 135 000 visiteurs sont attendus. Ce qui permet à Françoise Rossinot de prédire sans l'ombre d'un doute que « Le Livre sur la Place arrivera à sa 50e édition en pleine forme ».

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