1er octobre > Essai France

En cette rentrée littéraire, deux livres parlent de la même chose : la foi. Le Royaume raconte le dévot que fut son auteur, Emmanuel Carrère. Son visage et le tien d’Alexis Jenni est l’évocation de ce que le lauréat du Goncourt 2011 appelle son "goût de Dieu". Si celui-là ambitionne l’amplitude des grands récits, celui-ci a la discrétion du chuchotement : le texte de Jenni est un constat autant qu’une vibrante interrogation - le mystère de la vie -, une inquiétude gardant espoir dans ce rai de lumière qui passe par la porte étroite des croyants. L’auteur de L’art français de la guerre est loin d’être prosélyte : "Bien sûr qu’on peut vivre sans foi, cela est même facile dans la France laïque et décatholicisée". A cet agrégé de biologie on ne la fait pas. A la science qui requiert des "idées claires et distinctes", il répond par ce vague qui est signe de sincérité : "Il n’est pas nécessaire de connaître avec exactitude ce à quoi on croit : c’est une disposition, une ouverture, un élan, un mouvement perpétuel." Alexis Jenni n’est pas non plus du genre mystique n’ayant d’yeux que pour un ciel posthume, il a les pieds sur terre et c’est son corps arrimé à la matérialité de la chair qui donne sens à sa foi. En lieu et place d’une nomenclature théologique, on a affaire à une déclinaison du sensible : "voir", "entendre", "toucher", "parler"… Jenni relate aussi bien les côtes du Mâconnais à vélo sous le cagnard que sa pratique des arts martiaux ou encore son "pèlerinage" à la Thomaskirche de Leipzig où officiait Bach. Sa conception est le contraire de la "foi pesante" telle que vécue du côté maternel. Mais dans l’enfance il y eut aussi ce moment où sa mère avait commencé de lui lire la Bible, ce moment d’écoute émerveillée. La foi chez lui n’est rien d’autre que cela : "Une joie habitée d’une parole qu’on puisse entendre."S. J. R.

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