Louis Van Delft est né David Cohen aux Pays-Bas. A moins que ce ne soit l’inverse. Toujours est-il que ce spécialiste des moralistes (Folio essais, 2008), éditeur des Caractères de La Bruyère (Imprimerie nationale, 1998) et des Contes libertins de La Fontaine (Librio, 2014), qui a enseigné dans de nombreuses universités étrangères avant de se poser à Paris-10, est parti à la recherche de son identité dans ce roman-essai inclassable. Essai parce qu’il est question de philosophie, de l’existence et du sens que l’on donne à ces choses. Roman parce que Louis Van Delft intègre Montaigne, La Rochefoucauld ou Nietzsche dans la recherche de sa judaïté. Mieux, il les prend à témoin de sa perplexité.
Perplexe est le livre d’un survivant qui s’interroge sur sa survie. Il la défend mordicus dans un monde dominé par la peur et la "grammaire des enfers". Pour cela, ce philosophe singulier né en 1938 opte pour les penseurs sans jargon, sans chichi ni bla-bla, ceux qui se permettent d’être clairs jusqu’à la lucidité comme son cher La Fontaine qu’il qualifie de "Plus-que-perplexe".
Avec lui, avec d’autres, il retrouve la "folisophie" d’un Erasme ou furète dans Le guide des égarés, c’est à dire des perplexes, de Moïse Maïmonide pour nous rappeler qu’on ne revient jamais que de loin. D’où la nécessité d’un brin de folie pour garder les pieds sur terre.
Perplexe est un livre bref qui rassérène. Au sens de la formule - "il faut réparer le monde" - il ajoute celui du compagnonnage avec les plus illustres moralistes français ou européens. Ils sont pour Louis Van Delft le meilleur étayage pour un monde qui part à la renverse. Voilà donc un joyeux témoignage de la sincérité d’un homme qui fait de l’érudition un chemin buissonnier et de la vie un spectacle sans fin. On le suit volontiers. L. L.