Propriété intellectuelle

Le droit du Cosplay

Le droit du Cosplay

Les héros de mangas et BD sont très souvent protégés par la Loi. Peut-on se les approprier dans le cadre d'un événement souvent éphémère?

Le Cosplay, cette pratique contractant les termes costume et play consiste  à incarner les personnages de mangas, jeux vidéos, BD et autres séries TV.

Or, le gouvernement japonais entend encadrer cette pratique usitée par de nombreux fans de l’archipel, et notamment à leur rappeler la nécessité d‘en passer si c’est par un accord avec es ayant-droits à tout le moins par une rémunération.

Rappelons, pour l’heure, que les juges ont largement étendu la protection par le droit d’auteur aux personnages. Il peut d’agir de leur nom : Chéri-Bibi, Poil de carotte, Tarzan ou encore la comtesse Alexandra (compagne de SAS) ont notamment donné lieu à procès – ainsi, parfois, qu’à leurs traits de caractère. À première vue d’aspect anodin, cette protection des personnages prend un relief particulier au vu des droits dérivés engendrés par les créations les plus célèbres qui, souvent, sont des créations graphiques: Tintin, Astérix, les Schtroumpfs, etc. 

Un nom - marque

Il est à noter que l’éditeur, et particulièrement l’éditeur de bandes dessinées, pourra utilement recourir au droit des marques, voire au parasitisme et à la concurrence déloyale pour protéger les créations les plus susceptibles de retombées financières. En effet, le droit des marques possède sur le droit d’auteur l’indéniable avantage de ne pas connaître de domaine public tant que sont assurés les renouvellements des dépôts. Le choix d’un nom de personnage relève aujourd’hui également du domaine juridique.

Le risque judiciaire, et donc financier, peut être en effet majeur lorsque le nom choisi est celui d’une personne réellement existante.
Mais le nom à succès, en particulier dans le secteur de la bande dessinée, se révèle souvent une véritable aubaine, qu’il faut savoir protéger, quand le « marchandisage » entreprend de le décliner sous forme de produits dérivés, parfois autrement plus lucratifs que la simple vente d’ouvrages de librairie.

Le nom, tout comme ses dérivés que sont la particule ou le pseudonyme, est un des attributs de la personnalité. À ce titre, il permet à tout un chacun, célèbre ou inconnu, de s’opposer à son exploitation.

Les spécialistes les plus autorisés constatent, à l’instar de François Rigaux, que « l’abondante jurisprudence française qui existe en cette matière et qui n’est pas toujours cohérente fait apparaître que, dans la plupart des cas où l’utilisation du nom d’une personne vivante par l’auteur d’une œuvre de fiction a été jugée fautive, l’auteur a sciemment emprunté le nom d’une personne qu’il connaissait pour désigner un personnage déplaisant ».
Les juges sont donc d’autant plus enclins à sanctionner les risques de confusion dès lors que ceux-ci peuvent se révéler gravement dommageables.

Appropriation possible

La Cour d’appel de Paris a cependant considéré, le 30 octobre 1998, « les consorts Bidochon ne démontrent pas que l’utilisation de leur nom dans les circonstances qui viennent d’être décrites leur soit préjudiciable ».

Certaines affaires ont même permis de démontrer que les traits de caractère de certains personnages étaient également susceptibles d’appropriation.

En pratique, un travail commun, comme cela est souvent le cas dans le secteur de la bande dessinée, donnera naissance à une œuvre de collaboration, qui sera donc propriété commune des coauteurs. Il a en conséquence déjà été jugé qu’un dessinateur de bandes dessinées ne pouvait exploiter séparément son apport. Mais la Cour de cassation, le 6 mai 1997, a attribué à un seul des auteurs la propriété des personnages et de leurs noms, semant de plus belle la zizanie juridique au pays du neuvième art.

La protection des noms de personnages est donc aujourd’hui largement reconnue par la jurisprudence. Mais un peu de Meccano contractuel avec l’auteur peut assurer un peu mieux la prise de l’éditeur.

Deux juridictions ont relu, avec une bonne excuse, la célèbre série d’Anne et Serge Golon. Mais les juges n’en ont visiblement pas tous retiré le même plaisir. Le 11 janvier 2001, la cour d’appel de Versailles a ainsi considéré que le titre Angélique « correspond à celui d’une héroïne précise, parfaitement reconnaissable et sur l’identité de laquelle le public ne peut se tromper, qui la distingue, à la date de la création de l’œuvre en 1953, d’autres jeunes femmes antérieurement représentées par le personnage d’Angélique du George Dandin de Molière ou encore par celui du livret d’opéra de Jacques Ibert, alors même que les œuvres de Giono et de Robbe-Grillet ont, pour leur part, fait l’objet d’une divulgation dans le grand public postérieurement à la diffusion des romans de Madame Golon ».

Déclinaisons contractuelles

En revanche, le 30 juin 2000, la cour d’appel de Paris a estimé que « le prénom d’Angélique est un prénom connu sur le territoire français, (…) il a été porté par divers personnages de l’histoire et déjà utilisé dans des œuvres littéraires; (…) en adoptant pour désigner l’héroïne des romans ce prénom, les auteurs n’ont manifesté aucun effort de création, ne procédant qu’à un choix parmi des prénoms connus ». Comme le souligne le professeur Christophe Caron, « le voyage d’Angélique, Marquise des Anges, au pays du droit d’auteur, aura été, comme il se doit, tourmenté »…

Faut-il en tirer des conclusions sur les goûts littéraires de la magistrature et leurs variations d’un palais de justice à un autre? Car la décision parisienne diverge de la jurisprudence désormais bien affirmée en la matière et ce, que le personnage ait donné ou non son titre au livre.

L’éditeur prendra particulièrement soin, dans le contrat avec l’auteur, de mentionner la cession des droits sur les personnages; en particulier si celui-ci est appelé à multiplier ses aventures hors des librairies, sous forme de produits dérivés (vêtements, bibelots, matériel de papeterie), voire d’adaptation audiovisuelle. C’est ainsi que le contrat d’édition visera « le droit d’exploiter séparément par voie d’adaptation, de reproduction et de représentation tout élément de l’œuvre et notamment ses personnages dans leurs caractéristiques physiques, traits de caractères et leurs noms ».

Cela est d’autant plus nécessaire que les contrats que souhaitent signer les producteurs avec les maisons d’édition abordent souvent « le droit de remake, c’est-à-dire le droit de réaliser et d’exploiter un film cinématographique postérieurement au film faisant l’objet des présentes, et reprenant les mêmes thèmes, situations, personnages, etc. » ou encore « le droit de suite et de prequel, c’est-à-dire le droit de reproduire, représenter et adapter l’œuvre en tout ou en partie en vue de réaliser ou faire réaliser une ou des œuvres audiovisuelles qui constitueraient une suite ou des précédents et qui en reprendraient par conséquent certains éléments (notamment titre, thème, scénario, décors ou personnages) ». Bref, là encore, la vente des personnages est plus sûre si l’éditeur a pris préalablement le soin de les acquérir…

Propriété intellectuelle

De même, le dépôt du personnage en tant que marque, par l’éditeur, est possible. Mais ce seulement si l’auteur y a consenti par contrat. Il sera ainsi judicieux d’insérer la clause suivante: « Tous les droits cédés par l’auteur à l’éditeur permettront à celui-ci de procéder à toute protection desdits droits et de leurs adaptations par le biais de droits de propriété industrielle et notamment par le droit des marques, le droit des dessins et modèles. À cet égard, l’auteur garantit à l’éditeur n’avoir procédé à aucune formalité de protection de son apport par le biais des droits de propriété intellectuelle. »

Quant aux « Cosplayers », leurs créations, si elles bénéficient de l’originalité, elles deviennent alors des « oeuvres dérivées » ou « composites ».Car, sont protégeables « les créations des industries saisonnières de l’habillement et de la parure », parmi lesquelles l’article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle inclut notamment « la couture, la fourrure, la lingerie, la broderie, la mode, la chaussure, la ganterie, la maroquinerie, la fabrique de tissus de haute nouveauté ou spéciaux à la haute couture, les productions des paruriers et des bottiers et les fabriques de tissus d’ameublement ». Les costumes de spectacles sont bien entendu protégés au même rang que ces créations.

La jurisprudence a par ailleurs étendu aux coiffures la protection par le droit d’auteur. Leur reproduction par un éditeur reste donc elle aussi soumise à la condition d’une autorisation.
La boucle est bouclée…
 

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