17 JANVIER - ROMAN Grande-Bretagne

Jackie Kay- Photo MARY MCCARTNEY/MÉTAILIÉ

"O Seigneur Tout-Puissant, ô Seigneur Tout-Puissant, ô Seigneur Tout-Puissant, nous souhaitons la bienvenue à Jackie Kay au Nigeria. Sois remercié, ô Seigneur Tout-Puissant, de l'avoir conduite ici en sécurité. Elle a franchi les mers. Elle a débarqué sur le sol africain pour la toute première fois. O Seigneur Tout-Puissant !" C'est aussi la toute première fois que Jackie Kay rencontre son père, Jonathan. La voilà dans une chambre d'hôtel à Abuja, nez à nez avec un fou de Dieu récitant une prière pendant deux heures non-stop ! La poète et romancière écossaise est une fille adoptée et, à 42 ans, elle retrouve son géniteur, un botaniste africain devenu pasteur évangéliste qui, lors de ses études, eut une liaison avec une fille des Highlands. Poussière rouge nous suggère que, pour reprendre le titre d'un roman de Douglas Coupland, Toutes les familles sont psychotiques. En vérité, ses parents adoptifs un peu moins que les autres : ce couple de socialistes de Glasgow a recueilli deux enfants noirs, le frère de l'auteure et l'auteure. Beaucoup d'amour combiné à une bonne dose de bon sens. Jamais la mère adoptive, "ma mère", tout le long du livre, >n'a caché ni empêché Jackie Kay de mener son enquête généalogique, lui rappelant qu'elle "[a] été choisie" par eux. Quelques années >avant de retrouver la trace de son père biologique, Kay fait la connaissance de sa génitrice, Elisabeth, une infirmière qui a également refait sa vie et perd la tête juste au moment où se noue sa relation avec son enfant abandonnée. Les a priori ne sont pas ceux qu'on croyait. Elisabeth, qui a perdu son accent régional, est étonnée que Jackie parle avec l'intonation des gens de Glasgow, et n'ait pas été élevée par des bourgeois. Quant à Jackie, qui a eu un fils mais s'est mise en ménage avec une femme, la poète lauréate Carol Ann Duffy, lorsqu'elle se jette à l'eau et fait son coming out à son géniteur ultrareligieux, elle ne se confronte pas tant à l'anathème qu'à l'embarras de la question : Comment vous faites ?

C'est à mourir de rire. Ce tendre récit d'imbroglio familial est un éloge du culturalisme à l'heure où le discours sur la primauté de la nature reprend du poil de la bête. A la tendresse se mêlent aussi des réflexions sur le manque et l'abandon. En dépit de tout l'amour, quand on est adopté, il demeure toujours en soi "un endroit un peu comme les Hauts de Hurlevent, perdu dans les landes désertes, pelé, sauvage, libre et désolé. Le vent y fait rage et malmène les arbres. Je lutte contre cet endroit venteux. Il m'arrive même parfois de l'oublier. Mais il est pourtant là. Je suis en partie vaincue par ce lieu"

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