Francophonie

La patrie du livre

Sur les toits de l'Institut de France de Paris, les attachés du livre réunis - Photo Olivier Dion

La patrie du livre

Ils sont 21 attachés et attachées à représenter le livre français à travers la planète. Ardents défenseurs de la traduction, des dialogues entre les peuples et d'un savoir-faire unique au monde, ils constituent une exception culturelle hexagonale par trop méconnue. Qui sont ces grands professionnels rattachés au Quai d'Orsay dont on attend beaucoup et qui en font encore plus ?

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Par Alexandre Mouawad
Créé le 09.09.2024 à 12h01

Ils sont venus, ils sont presque tous là. Comme chaque année, les attachés pour le livre et le débat d'idées du réseau culturel français reviennent des quatre coins de la Terre pour se rencontrer, raconter leur année et échanger avec d'autres professionnels. Ils peuvent alors repartir la tête remplie de nouvelles idées, le carnet d'adresses augmenté de nouveaux auteurs, journalistes, éditeurs et amis.

Car « dans le travail des attachés, comme des diplomates, l'approche relationnelle est essentielle », nous confie, regard chargé de souvenirs, Valentine Gigaudaut, la responsable du pôle Livres et Édition à l'Institut français, qui organise ces rencontres de haut vol. Des journées partagées entre un grand festival (Étonnants voyageurs à Saint Malo l'année dernière, Oh les beaux jours ! à Marseille cette année) et la capitale, dans les locaux flambant neufs de l'Institut.

21 attachés du livre dans le monde

Ils ne sont aujourd'hui que 21 dans le monde (contre un attaché culturel, leur homologue, dans chaque pays), secondés dans leur mission par des recrutés locaux non moins talentueux. Et s'ils ont vocation avant toute chose à élaborer des stratagèmes pour aider et inciter à la traduction du livre français en langue étrangère, c'est très loin d'être tout. Une Nuit des idées, par exemple, voit phosphorer les penseurs français invités une fois par an dans tous les Instituts.

Le choix Goncourt ne fait pas que donner aux éditeurs l'idée de traduire tel ou tel roman de la sélection, il permet aussi, et surtout, aux étudiants et lycéens francophones d'échanger sur l'actualité de la littérature française. Dans les pays du Sud global, où nos livres sont rendus inaccessibles par les crises et l'inflation, les médiathèques sont soutenues, enrichies, fédérées, et les initiatives pour rendre le livre accessible abondent.

15 millions d'euros pour le livre français à l'étranger

Voilà une exception culturelle dont il est rarement question. Peut-être parce qu'elle recouvre une réalité et des sommes moins spectaculaires que dans le cinéma... La somme investie par toutes les institutions confondues, nous confie Valentine Gigaudaut en évoquant les 1001 initiatives à l'origine desquelles sont les attachés, n'est en effet pas bien grande : 15 millions d'euros en tout et pour tout afin de soutenir le livre français à l'étranger. Le Sommet de la francophonie qui aura lieu à Villers-Cotterêts et au Grand Palais permettra d'ouvrir de nouvelles perspectives et de rendre compte desdites initiatives, notamment avec les conclusions de la grande concertation du livre français à l'international qui a réuni le ministère de la Culture, le Quai d'Orsay et tous les acteurs mondiaux, comme l'Institut français, le CNL, le BIEF, la Centrale de l'édition, le SNE, l'AILF et des éditeurs.

Objectif : mettre en place un panorama le plus exhaustif possible et établir 10 recommandations pour l'avenir. Un événement impossible à concevoir ailleurs. Et dont les 21 attachés constituent l'avant-garde que le monde entier peut nous envier, travaillant sans relâche, débordante de nouvelles idées, intellectuellement indépendante. Ce travail de rayonnement s'inscrit pourtant bien à chaque fois dans un contexte social, économique et diplomatique particulier, comme nous le rappellent des spécialistes du sujet au ministère de l'Europe et des Affaires étrangères.

Responsabilité intellectuelle

On imagine combien il a pu être compliqué d'organiser des événements au nom de la France ces derniers temps dans les pays arabes, par exemple. Et comment faire, comment arpenter un territoire, rencontrer les gens, organiser des événements quand on prend ses fonctions en plein confinement, comme ce fut le cas pour Louise Quantin à New York et Sarra Ghorbal à Tunis ?

S'il reste bien, ici ou là, un sens de la responsabilité intellectuelle propre à l'Hexagone, le rayonnement passe essentiellement par l'export d'un savoir-faire unique. Citons le Japon, pays où les éditeurs ont la réputation de ne pas s'en laisser compter. L'Institut français y organise pourtant des journées professionnelles pour former à la médiation en bibliothèque comme en librairie et offre sa consultation pour la mise en place du premier grand festival du livre nippon, en 2025.

Un métier de rêve oui, où l'on voyage et fait voyager. Est-ce parce que ces missions durent quatre ans que l'on ressent une telle intensité chez ces hommes et femmes au parcours pourtant si riche déjà ? Est-ce parce que, comme la vie et toutes les meilleures choses, ces voyages ont une fin qu'ils semblent s'en saisir si pleinement chaque jour ? Dans son émouvant et définitif discours de départ prononcé en juillet dernier, l'attachée tunisienne Sarra Ghorbal propose sans aucun doute un élément de réponse : « L'amour du livre est sincère », lui.

Louise Quantin

38 ans. Attachée du livre, directrice du département Livre & débat d'idées de la Villa Albertine. En poste depuis Novembre 2020.

Auparavant responsable des droits d'adaptation audiovisuels chez Robert Laffont /Julliard.

Quelles sont les spécificités de votre territoire ?

Sa taille ! Je suis basée à NYC mais j'ai une action fédérale. Pas toujours évident de couvrir un territoire aussi vaste. Je peux heureusement m'appuyer sur les équipes de la Villa Albertine présentes dans 9 autres villes américaines (Los Angeles, San Francisco, Miami, Washington DC, Boston, Atlanta, Houston, Chicago et La Nouvelle-Orléans).

Quels sont les projets les plus importants que vous ayez portés jusqu'ici ?

J'arrive au terme de ma mission de quatre ans, qui se terminera cet été. C'est donc l'heure des bilans. Parmi les projets les plus importants des dernières années, je mentionnerais la création du dispositif de résidence Villa Albertine, grâce auquel nous avons accueilli plus d'une trentaine d'auteurs et de penseurs aux États-Unis pour des séjours entre un et trois mois, le lancement du Choix Goncourt des États-Unis, qui réunit désormais des étudiants de 10 prestigieuses universités américaines, et la première édition du French-American Book Market, organisée avec le BIEF, qui s'est tenue à New York en juin 2023 et a permis de rassembler plus de 130 éditeurs français et américains.

 

Qu'attendez-vous des professionnels du livre en France ?

Les échanges réguliers avec les éditeurs français, et en particulier les responsables des cessions de droits, sont nécessaires pour rester informé des tendances du marché. Par ailleurs, nous recensons chaque année les cessions du français vers l'anglais auprès des éditeurs et des agents. Ces données sont précieuses car elles nous permettent d'anticiper les publications à venir, donc les auteurs à inviter en tournée, et sont très utiles aussi pour les journalistes et les programmateurs de festival.

Valentine Gigaudaut

Quel a été votre rôle cette année à l'Institut français ?

D'abord, le rôle de l'Institut français est d'accompagner la coopération dans le secteur du livre à l'international en coordination avec le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères qui pilote le réseau des attachés livre.

À Paris nous sommes 5 à gérer un certain nombre de programmes pour renforcer la place du livre en langue française dans le monde, soutenir la traduction littéraire et les échanges entre les filières du livre française et étrangères : par exemple le Programme d'aide à la publication (PAP), qui soutient la cession de droits à l'étranger, ou le dispositif Livres des deux Rives, dont l'objectif est de soutenir le dialogue entre les sociétés civiles des rives Nord et Sud de la Méditerranée par des actions de coopération autour du livre. Il vient d'être relancé pour deux ans jusqu'à 2026. Nous soutenons aussi la présence des auteurs de langue française à l'international dans leurs projets d'écriture par exemple à travers le programme Mobilité internationale de recherche artistique. Nous développons également une approche transmédia des œuvres littéraires, c'est-à-dire l'accompagnement à l'international de ces œuvres dans leurs différents formats d'expression et d'adaptation (livre audio, livre numérique, webtoons, films, séries, etc) via le programme Shoot the Book! (avec la Scelf, ndlr) Nous organisons par ailleurs, avec les responsables et attachés livre et débat d'idées, une rencontre annuelle destinée à favoriser le partage d'expériences, les échanges professionnels et à réfléchir ensemble à l'année écoulée, et à la suite.

Quels sont les projets les plus importants que vous ayez portés jusqu'ici, en France comme ailleurs ?

Pour commencer, À Taïwan, découvrant le métier en même temps que le territoire, je partais avec mon bâton de pèlerin dans les librairies et à la rencontre des éditeurs pour constituer une base de données des livres français traduits en chinois traditionnel. Ensuite, il y a eu le développement de la librairie Kyralina à Bucarest, qui continue de se développer avec une équipe formidable, notamment grâce à un service de portage propre à la Roumanie, qui rend Amazon inutile. La librairie a d'ailleurs reçu le Grand Prix des Librairies 2023 de Livres Hebdo de la meilleure librairie francophone à l'étranger. Et puis au Cambodge, où je travaillais à la coopération, j'ai pu soutenir l'ONG Sipar dans son projet d'édition. Pendant le confinement, il y a eu un regain d'intérêt des parents pour la lecture. Grâce à des conditions très favorables qui nous ont été faites par les éditeurs français, notamment l'École des loisirs, l'ONG a pu traduire, éditer et distribuer avec leurs bateaux-bibliothèques des titres de littérature jeunesse dans les villages en un temps record. Grâce à une aide conséquente à la traduction, nous avons rendu possible celle d'Un barrage contre le Pacifique de Marguerite Duras en Khmer. Et puis cette année, il y a eu la grande concertation pour le livre français à l'étranger avec tous les acteurs professionnels et institutionnels. C'est une très bonne chose qui n'était pas arrivée depuis dix ans. Pourquoi maintenant ? Peut-être parce que le Sommet de la Francophonie arrive.

Forte de votre expérience internationale, quels conseils donneriez-vous aux éditeurs français qui souhaitent s'exporter le plus largement possible ?

Pour les éditeurs qui souhaitent se développer à l'international, ce qui, dit comme ça, est une sorte d'Everest, il existe deux structures qui sont d'excellent conseil, en plus, bien entendu, des Instituts français. D'abord la Fontaine O livres, une pépinière où faire des rencontres constructives, et une structure de conseil et d'accompagnement pour les jeunes éditeurs. Ensuite le BIEF, indiscutablement, auquel il faut certes cotiser, mais en fonction de son chiffre d'affaires. Je peux vous dire, pour l'avoir vécu, qu'arriver n'importe où dans le monde avec le soutien du BIEF, cela change tout. C'est sans équivalent au monde, une institution capable d'animer un stand dans n'importe quel festival du livre, qui connaisse aussi bien l'international. Enfin d'accompagner son catalogue partout le plus possible, d'arpenter le monde en somme avec les 3 premières pages de ses livres importants déjà traduites au moins en anglais. Ça fait toute la différence.

Sarra Ghorbal

44 ans. Attachée du livre et des médiathèques en Tunisie. 

En poste depuis octobre 2021

Auparavant : dix ans au CNL à différents postes liés au soutien à la traduction ou l'aide aux librairies françaises.

 

Quelles sont les spécificités de votre territoire ? 

La situation économique en Tunisie est difficile. Le livre français importé demeure un produit de luxe. Le réseau des 423 bibliothèques publiques est dense mais peu attractif avec une offre très limitée de livres en langue française. D'où l'importance des 3 médiathèques de l'Institut à Tunis, Sousse et Sfax pour avoir accès à une offre francophone de qualité et contemporaine dans un pays où 52 % de la population est francophone et où 30 % des publications locales sont en langue française (sur environ 1 500 titres par an). Mais le secteur du livre reste dynamique avec une offre inférieure à la demande et une génération d'autrices et d'auteurs très populaires qui écrivent en dialecte tunisien.

Quels sont les projets les plus importants que vous ayez portés jusqu'ici ?

Les États généraux du livre en langue française dans le monde et le Congrès mondial des écrivains de langue française en septembre 2021 d'abord, deux occasions exceptionnelles de rassembler l'ensemble des acteurs du livre du monde francophone et qui ont donné lieu à une feuille de route partagée. J'ai également pu suivre le programme Livres des deux rives dès ses débuts en 2021 avec l'Institut français. Ce projet vise à soutenir le dialogue entre les sociétés civiles des rives nord et sud de la Méditerranée par des actions de coopération autour du livre. Avec le focus Tunisie du festival Étonnants Voyageurs en juin 2022, l'IFT a accompagné 13 auteurs, cinéastes et journalistes tunisiens qui ont ainsi pu dialoguer avec plus de 150 invités internationaux. La francophonie au féminin était à l'honneur à l'IFT en mai dernier où une dizaine d'écrivaines francophones (Cameroun, Canada, France, France-Martinique, Liban, Tunisie, Turquie) ont été réunies autour du Parlement des écrivaines francophones. Enfin l'ambitieux projet Massari, un programme de formations qualifiantes sur deux ans (2023-2025) pour tous les acteurs culturels en Tunisie, dont ceux du livre évidemment.

Qu'attendez-vous des professionnels du livre en France ?

Plus de curiosité, d'intérêt et de compréhension des « marchés » francophones du Sud et des spécificités de chaque territoire pour adapter le montant des cessions, des droits d'auteur, qu'ils sachent s'adresser d'une façon égalitaire aux éditeurs locaux. Que les professionnels du livre français voient ces marchés comme des espaces d'échange et de circulation des idées et des savoirs et un soutien à la professionnalisation, comme avec le programme Massari. Je salue l'initiative du Bief cette année d'avoir accueilli des éditeurs maghrébins pour vendre leurs droits au Paris Book Market. Enfin, une présence même symbolique des éditeurs français aux salons et foires du livre tunisiens serait la bienvenue. 

Julia Trouilloud 

35 ans. Attachée livre et débat d'idées à l'Institut français en Inde, New Delhi.

En poste depuis septembre 2022

Auparavant chargée de mission débat d'idées et diplomatie d'influence à l'Institut français, Paris.

Quelles sont les spécificités de votre territoire ?

J'opère au sein d'un pays-continent qui compte 28 états et 22 langues officielles, chacun avec ses spécificités. Il s'agit d'un marché éditorial complexe et atomisé, dominé par les éditions scolaire et universitaire (seule 4% de la production éditoriale est commerciale). Les lecteurs y sont friands d'ouvrages de non-fiction (essais, biographies ou développement personnel). Les livres doivent contribuer au développement intellectuel des individus et non à leur plaisir. Si le tirage moyen reste faible au regard de la population, on constate un engouement pour les festivals, qui se multiplient, attirent des centaines de milliers de visiteurs et portent aux nues les stars littéraires indiennes.

 

Quels sont les projets les plus importants que vous ayez portés ?

La relation bilatérale franco-indienne est dense dans les domaines stratégiques mais encore peu développée dans le domaine culturel, ce qui s'explique par notre faible histoire commune. Pour renforcer ces liens, nous avons lancé la Villa Swagatam, un réseau de 30 résidences littéraires et artistiques favorisant les mobilités dans les deux sens. Ce programme présente l'avantage d'assurer une présence continue d'écrivains français sur le territoire indien et de favoriser l'émergence de collaborations franco-indiennes, en s'appuyant sur un réseau partenarial qui prenne en charge l'accueil des résidents. Un autre projet qui répond à cette logique de décentralisation et de travail en réseau est le programme « Pardon My French ! » visant à augmenter la visibilité des ouvrages français en traduction. Grâce aux partenariats avec 15 librairies prescriptrices réparties sur tout le territoire, notre objectif est de faire connaître les auteurs contemporains français.  

Les invitations d'honneur constituent enfin des temps forts de notre action à l'instar de l'invitation de la France à la New Delhi World Book Fair, en 2023 et bientôt au Kerala Literature Festival, en 2025.

 

Qu'attendez-vous des professionnels du livre en France ?

Pénétrer le marché indien est affaire de patience. Il est dommage que les éditeurs français se déplacent encore trop peu sur les foires indiennes pour aller à la rencontre de leurs homologues indiens car s'il est vrai que le marché indien est encore peu rentable, il représente un investissement sur l'avenir avec un pouvoir d'achat en hausse et de nouvelles générations de premiers lecteurs. Il serait souhaitable que les éditeurs français soient plus sensibles aux modalités des cessions de droits pour la langue anglaise. Les cessions ne distinguent que très rarement l'Inde comme un territoire à part, alors que les ouvrages publiés par les éditeurs anglo-saxons atteignent peu le lectorat indien, que ce soit en raison de leur coût prohibitif ou de l'absence de système de distribution efficace.

Mathieu Diez

46 ans. Attaché pour le livre et le débat d'idées, commissaire général du festival Beyrouth Livres.

En poste depuis septembre 2021.

Auparavant directeur Lyon BD festival.

Quelles sont les spécificités de votre territoire ?

Avant les crises récentes, 60 % des traductions du français vers l'arabe pour le monde entier étaient signées avec des éditeurs libanais qui exportaient ensuite 60 % de leur production vers la zone Afrique du Nord et Moyen-Orient. Le Liban a été depuis longtemps le pays pivot du passage des idées et des lettres entre mondes francophone et arabophone. Depuis 2018 le pays a été confronté à des crises multiples qui ont fragilisé la filière et ses acteurs. Ils continuent, dans un contexte difficile, à se battre au quotidien pour que Beyrouth reste une capitale du livre dans la région et pour maintenir le plurilinguisme en vigueur dans le pays.

 

Quels sont les projets les plus importants que vous ayez portés ?

La création du festival Beyrouth Livres en 2022 est venu apporter une suite au salon du livre francophone de Beyrouth, interrompu après son édition 2018. C'est un format moderne, innovant, et plus adapté à la situation du pays qui propose une programmation de près de 100 rendez-vous disséminés sur 40 lieux culturels à travers Beyrouth et le pays. Deux éditions du festival ont eu lieu et ont rencontré un large succès. Désormais doté d'un volet professionnel, le festival connaîtra sa 3e édition du 21 au 27 octobre 2024.

Nous avons également mené sur deux ans un vaste projet de mise en réseau des 6 médiathèques de l'Institut français du Liban. Avec leurs collections désormais mutualisées, elles constituent le plus grand réseau de bibliothèques du pays et permettent un accès au livre en français à moindre coût.

Enfin le projet « BibliOh ! » lancé en mai dernier a permis l'acquisition des droits et la production locale de livres jeunesse en français qui seront proposés à la moitié du coût d'un livre importé. C'est une manière d'aider à remettre le livre en français dans les mains des enfants qui s'en sont éloignés au fil des dernières crises.

 

Qu'attendez-vous des professionnels du livre en France ?

Le Liban est souvent qualifié de pays « résilient », même si cet adjectif peut aujourd'hui fatiguer nombre de Libanais qui ont traversé tant d'épreuves à travers les années. J'aimerais dire aux professionnels français du livre que les acteurs libanais de la filière se battent au quotidien, travaillent et innovent, et qu'il est important d'entretenir les liens avec cet écosystème vital pour le livre français et francophone dans la région.

Myriam Louviot

47 ans. Responsable du bureau du livre, de l'édition et des médiathèques de l'Institut français d'Allemagne. En poste depuis novembre 2015 en tant que chargée de mission, depuis septembre 2020 en tant que responsable du bureau. Auparavant directrice de collection aux éditions Didier.

Quels sont les spécificités de votre territoire ?

L'Allemagne est un pays fédéral avec 16 Länder et il est donc important de travailler en réseau. L'Institut français d'Allemagne est présent dans 13 villes (Berlin, Brême, Cologne, Dresde, Düsseldorf, Hambourg, Leipzig, Mayence, Munich, Stuttgart) et entretient des liens étroits avec une douzaine de centres culturels franco-allemands. Chaque année sont publiées environ 1 000 traductions du français (environ 15% des publications). La littérature jouit ici d'une belle visibilité. À côté d'autrices et auteurs français très connus, les éditeurs publient régulièrement de « nouveaux auteurs », que nous accompagnons en priorité. Dans le domaine des sciences humaines, on note un intérêt pour les essais et une ouverture ces dernières années aux réflexions sur l'anthropocène.

 

Quels sont les projets les plus importants que vous ayez portés jusqu'ici ?

Nous avons lancé les Nuits de la traduction en 2021 et 2022, minifestival associant performances bilingues et discussions. La Nuit des idées a eu lieu cette année sous le titre « Biotopies. Manière d'être vivant » avec des formats très variés : discussions, ateliers en VR et réalité augmentée, films, bibliothèque vivante... Et le prix Première, un prix littéraire créé en 2020 qui récompense conjointement l'auteur et le traducteur pour un titre dont l'auteur est traduit pour la première fois, dans l'optique d'accompagner des auteurs émergents.

 

Qu'attendez-vous des professionnels du livre en France ?

Côté éditeur, c'est plutôt moi qui suis à leur écoute pour les accompagner et avoir des informations sur les cessions, les tendances et parfois les difficultés à prévoir.

Du côté des institutions culturelles française et des journalistes, nous attendons plus de curiosité et plus d'invitations d'auteurs allemands. Qu'ils ne voient pas seulement l'Allemagne comme un pays où exporter des titres, mais qu'ils envisagent la relation comme un dialogue où la circulation des idées est mise au premier plan pour pouvoir construire une identité européenne.

Colombine Depaire

36 ans. Responsable du pôle livre et débat d'idées. En poste depuis septembre 2023.

Auparavant : Conseillère en médiation du livre via son entreprise Picture This! pendant 12 ans. Attachée culturelle à l'Ambassade de France en Belgique (2021).

Quelles sont les spécificités de votre territoire ?

Le Japon est un territoire très attractif pour les Français amateurs de manga et d'écrivains nippons, mais les éditeurs japonais s'intéressent comparativement peu aux littératures étrangères. Néanmoins, le français est l'une des langues les plus traduites, notamment en sciences humaines et en fiction. Dans d'autres domaines, pour pallier les différences de marché, des ajustements facilitent la traduction d'œuvres francophones et contribuent à un élargissement des centres d'intérêt des lecteurs japonais.

 

Quels sont les projets les plus importants que vous ayez portés jusqu'ici ?

 Ma première année en poste a coïncidé avec le souhait de nos interlocuteurs de réactiver des échanges internationaux après la crise sanitaire, et avec les attentes suscitées par la perspective de l'exposition universelle d'Osaka 2025. La filière du livre et les institutions japonaises se tournent régulièrement vers l'Ambassade pour comprendre l'écosystème du livre français et les politiques publiques qui le soutiennent. Par exemple, nous inaugurerons en novembre un parcours multi-sites de valorisation des pratiques professionnelles franco-japonaises, inspiré des salons du livre « à la française » alors qu'il n'existe ni salon ni véritable festival du livre dans l'archipel. De plus, l'Institut français de Tokyo s'apprête à accueillir Passage Rive Gauche, un nouveau commerce consacré aux livres français en VO et en traduction.  

 

Qu'attendez-vous des professionnels du livre en France ?

 Le voyage au Japon est attractif mais très coûteux d'un point de vue écologique, financier et humain. Aussi j'apprécie que les éditeurs nous parlent bien en amont des visites et tournées d'auteurs pour que nous puissions imaginer des choses ensemble, et ainsi promouvoir leurs livres tout en animant le réseau culturel de l'Institut français du Japon et de nos partenaires. Enfin, il faut que les agents et les éditeurs continuent de nous informer régulièrement des cessions de droits qu'ils réalisent vers le Japon. Ces listes reflètent les thèmes qui intéressent nos publics et nous permettent d'affiner notre programmation et nos

communications.

Jérôme Chevrier

48 ans. Attaché culturel en charge du livre et du débat d'idées au Royaume-Uni. En poste depuis le 1er septembre 2023

Auparavant chargé de programmation et de médiation culturelle à la Bibliothèque publique d'information (Centre Pompidou).

 

Quelles sont les spécificités de votre territoire ?

Du point de vue éditorial, le marché britannique est saturé, caractérisé par une surproduction dans tous les domaines, en raison de la prédominance de la langue anglaise dans le monde, le potentiel économique est donc mondial - les droits de traduction sont cédés de manière territoriale, à l'Amérique du Nord, à la Grande-Bretagne, au pays dits du Commonwealth ou au monde.

 

Quels sont les projets les plus importants que vous ayez portés ?

L'Institut français du Royaume-Uni propose une programmation riche et ambitieuse tout au long de l'année et son bureau du livre coordonne trois événements majeurs : la Nuit des idées, soit plus de 30 invités, une dizaine de rencontres sur une soirée et une programmation cinéma ; le South Ken Kids Festival, un festival consacré à la littérature et l'illustration jeunesse ; le Beyond Words Festival qu'un festival dédié à la littérature d'expression française traduite en anglais.

 

Qu'attendez-vous des professionnels du livre en France ?

Avec les éditeurs, nous avons de très bonnes relations, la communication est fluide et les échanges réactifs. On sait très bien à qui parler, les cessionnaires de droits sont encore mieux identifiés que les attachés presse. Avec les grandes institutions françaises, nous avons pour ambition d'améliorer nos échanges, de mieux connaitre nos interlocuteurs, nos contacts.

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