Après avoir créé des liens avec une partie des imprimeurs, avec des éditeurs traditionnels et des salons littéraires, les acteurs de l'autoédition doivent maintenant parvenir à établir une relation durable avec la librairie. « Le problème est la mauvaise image que les libraires peuvent avoir de l'autoédition », regrette Guillaume Mercier, directeur de TheBookEdition. Pour autant, de nombreux interlocuteurs reconnaissent un intérêt croissant de la part des librairies locales. « Quand un auteur autoédité se déplace en librairie, il suscite souvent la curiosité », nuance Guillaume Mercier. « La diffusion au niveau local ou régional fonctionne parfois bien pour les auteurs très actifs », confirme Emilie Le Coguiec. Pour tenter de résoudre la question de la diffusion, certaines plateformes s'associent avec des enseignes nationales. Partenaires historiques, Kobo Writing Life et la Fnac garantissent depuis la fin de l'année 2019 un soutien marketing aux auteurs de textes publiés dépassant 1 200 ventes (formats papier et numérique confondus).

Librinova, de son côté, soigne sa relation avec Cultura. Les deux marques ont dévoilé en septembre un « pack Cultura » qui permet d'organiser des dédicaces dans les points de vente de l'enseigne. La deuxième partie du partenariat réside dans la constitution d'un comité de lecture composé des libraires et des clients de l'enseigne. « Nous leur envoyons cinq titres par mois, sélectionnés parmi nos coups de cœur. Si le comité a, lui aussi, un coup de cœur, nous le signalerons sur notre site », explique Charlotte Allibert, cofondatrice et directrice générale. Pour Librinova, qui développe une activité d'agent littéraire, c'est un argument de poids quand vient le moment de proposer un texte à des éditeurs traditionnels. « Nous pouvons leur signifier qu'ils auront l'appui de Cultura en cas de signature d'un contrat d'édition avec un auteur. »

« La vente en ligne ne suffit pas »

Les acteurs de l'autoédition ont bien compris que la librairie est un maillon essentiel. Comme le dit Emilie Le Coguiec, « la vente en ligne ne suffit pas. Le contact et le conseil du libraire sont très importants. »

Mais tous sont conscients des contraintes des libraires. « Le manque de place explique en partie l'absence de livres autoédités en rayon, les libraires donnent naturellement la priorité à la chaîne traditionnelle », constate Camille Mofidi, responsable de Kobo Writing Life pour l'Europe. « Les libraires manquent aussi de temps et ne peuvent pas négocier avec chaque auteur autoédité », relève Jean-Paul Lafont, directeur de Publishroom Factory.

Pour simplifier la tâche des libraires et leur éviter une gestion des stocks, les plateformes d'autoédition optent pour l'impression à la demande et s'associent avec des distributeurs comme Hachette Livre pour référencer leurs titres. Certaines d'entre elles, comme Books on Demand ou Bookelis, ont mis en place une option de droits de retour afin de limiter la prise de risque en librairie.

Les plateformes savent qu'elles doivent faire preuve de pédagogie. « Les premières séances de dédicace dans les enseignes Cultura ont eu lieu en novembre et les libraires nous ont bien suivis. Nous avons effectué une formation auprès d'eux pour leur expliquer notre activité, de façon à ce que notre approche soit transparente et acceptée », raconte Charlotte Allibert. Chez Bookelis, Emilie Le Coguiec explique être « régulièrement en contact avec des libraires pour qui il n'est pas intuitif de chercher un titre autoédité dans leurs bases de données ».

Pour l'heure, l'idée de proposer un stock de livres autoédités en librairie ne fait pas partie des projets envisagés. « Les portes commencent à s'ouvrir mais il faut que l'autoédition soit bien installée et identifiée avant de penser à d'autres développements », assure Camille Mofidi. Et puis, ajoute Charlotte Allibert, « le jour où nous serons diffusés en librairie, cela supposera une sélection qui va à l'encontre du principe même de l'autoédition, aujourd'hui ouverte à tous ». 

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