Francfort 2019

La librairie dans le monde: évolution encourageante, mais situation fragile

Olivier Dion

La librairie dans le monde: évolution encourageante, mais situation fragile

La conférence annuelle de la Fédération européenne et internationale des libraires (EIBF), jeudi 17 octobre à Francfort, a fait ressortir la communauté d'inquiétude qui les réunit face à la menace constituée par Amazon. 

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Par Hervé Hugueny
Créé le 18.10.2019 à 11h09

La réglementation européenne et Amazon étaient, jeudi 17 octobre, au menu de la conférence annuelle de la Fédération européenne et internationale des libraires (EIBF, pour le sigle en version anglaise), qui réunit chaque année à la foire de Francfort quelques uns de ses représentants du monde entier.

En ce qui concerne l’Europe, la principale préoccupation concerne la révision prochaine des dispositions relatives au géoblocage des transactions transfrontalières réalisées via Internet, dont les livres numériques sont pour le moment exclus. Pour réaliser un marché européen numérique aussi fluide que celui de la circulation des biens, l’Union européenne a décidé d’un règlement qui unifie depuis décembre 2018 les règles commerciales dans l’ensemble des Etats membres.

L’objectif est d’empêcher la tarification à la « tête du consommateur » pratiquée par certains fournisseurs en fonction du lieu de résidence de l’acheteur, principalement pour des questions de niveau de vie. Le livre numérique devait être concerné, mais un lobbying efficace de l’EIBF, relayé par la Fédération européenne des éditeurs (FEP) l'a exclu du règlement, de même que l'ensemble des services sous droit d’auteur, sous réserve d’un réexamen tous les deux ans. Ce processus de rediscution commence à s’engager, et les libraires doivent répéter leurs arguments.

« Nous ne sommes pas contre le principe de la vente dans l’ensemble des pays de l’Union, mais la complexité technique rend son application très coûteuse, pour un marché très réduit. Les réglementations tarifaires sont différentes, de même que les taux de TVA, ou encore les droits territoriaux » explique Jean-Luc Treutenaere (Cultura), co-président de l’EIBF.

Pour le moment, les libraires indépendants arrivent tout juste à se lancer sur leur marché national, qu’ils devraient abandonner en cas d’application stricte de la réglementation sur le géoblocage, faute de pouvoir servir d’hypothétiques clients ailleurs en Europe.

L'Europe méfiante et l'hégémonie d'Amazon

Mais l’Union européenne peut être aussi source de soutien pour les libraires, notamment en ce qui concerne Amazon, dont les méthodes de développement ont fini par attirer l’attention de la direction générale de la concurrence, qui a diligenté plusieurs enquêtes. La dernière concerne l’utilisation des données des vendeurs sur la place de marché du site, qui surveille les performances de chaque secteur pour s’y lancer, ou pour pousser son offre. « Les régulateurs de la concurrence sont devenus très attentifs à ces questions, et Amazon ne s’obstine pas en de menace d’une sanction » explique Thomas Höppner, avocat qui a présenté une partie des multiples procédures en cours à l’encontre du groupe américain.

En France, les libraires indépendants résistent plutôt bien à la concurrence d’Internet, mais leur situation est fragile a rappelé Matthieu de Montchalin, ancien président du SLF et patron de l’Armitière à Rouen. Il a présenté une synthèse de l’étude sur leur clientèle qui avait été communiquée en juin à Marseille lors des Rencontres nationales de la librairie.

S'ils sont fidèles dans l’esprit à leur libraire déclaré, ces clients ne le sont pas forcément dans les actes, et il y a de plus en plus d'acheteurs en ligne. « Amazon et la Fnac contrôlent plus de 90% du marché des ventes de livres imprimés » regrette Matthieu de Montchalin. Autre souci, signalé par une libraire de Suède, mais constaté par tous ses confrères : des éditeurs commencent à utiliser la place de marché du site américain, pour bénéficier du taux de remise de 15%, contournant ainsi la branche librairie d’Amazon à laquelle ils doivent une commission bien supérieure, mais concurrençant aussi les libraires indépendants.

Leurs confrères américains, directement sur la ligne de front et sans le secours d’aucune réglementation sur le prix du livre, font preuve d’un beau dynamisme ainsi que l’a montré une délégation de quatre d’entre eux conduite par Oren Teicher, directeur général de leur association (American Booksellers Association). « Les ventes de nos 600 membres qui participent à notre panel ont progressé d’environ 6% au cours des derniers mois, ce qui est bien au dessus de la moyenne du marché. Et nous constatons qu’il y a maintenant des reprises de libraires, alors qu’elles n’intéressaient plus aucun acheteur depuis plusieurs années » rappelle-t-il. La part des indépendants reste toutefois très minoritaire, à environ 6% des ventes, alors qu’Amazon contrôle plus de la moitié du marché.
 

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