10 avril > BD Etats-Unis

Journaliste ayant choisi la bande dessinée comme mode d’expression pour ses reportages et ses enquêtes, Joe Sacco a longuement couvert les conflits armés en Palestine (Palestine, Gaza 1956…) et en Bosnie (Gorazde, The fixer, Derniers jours de guerre…), mais il est toujours resté hanté par la première déflagration mondiale. Sa bibliothèque personnelle regorge d’ouvrages sur 14-18, précise-t-il dans sa préface à La Grande Guerre, même s’il a longtemps repoussé l’idée d’un livre sur un sujet qu’il estimait avoir été déjà exhaustivement traité par Jacques Tardi.

Le dessinateur américain, né à Malte et d’abord élevé en Australie, y vient pourtant, avec une œuvre qui tranche dans l’abondante production éditoriale de cette année du centenaire : un leporello, un livre accordéon de 24 pages au format à l’italienne. Sorti de son coffret, il se déploie pour former une fresque muette de près de sept mètres de long en noir et blanc. Un fascicule de commentaires, en fait des légendes très sobres, l’accompagne. S’inspirant de la fameuse tapisserie de Bayeux (XIe siècle), toutefois dix fois plus longue et en couleurs, Joe Sacco réussit la prouesse de synthétiser à la fois géographiquement et chronologiquement, en un seul mais ample dessin, la journée du 1er juillet 1916, la première de la bataille de la Somme. Il s’agit d’un des jours les plus sanglants de la Grande Guerre, et le plus meurtrier pour les Anglais (20 000 morts), du côté desquels il place sa focale, à Montreuil-sur-Mer.

Ignorant délibérément les perspectives et les proportions réalistes, mais soignant chaque détail de la scène, Joe Sacco déroule d’ouest en est l’ensemble du front et de l’action du jour dans un mouvement panoramique. On y voit le général Haig faire ses quatre minutes de marche quotidienne devant son QG, l’acheminement du matériel et des troupes, la sortie des tranchées et l’assaut sous un tapis de bombes, la police militaire prête à arrêter les déserteurs, l’accumulation des cadavres, les blessés qu’on peine à évacuer. Toute la guerre en somme.
Fabrice Piault


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