Les livres de Fabio Viscogliosi sont de ceux que l’on aime à faire découvrir, à offrir autour de soi. Musicien et dessinateur, l’artiste revient avec une Apologie du slow où l’on danse pourtant assez peu. L’auteur de Je suis pour tout ce qui aide à traverser la nuit (Stock, 2010) questionne plutôt ici son rapport à l’essentiel, confiant son inclinaison à « lâcher prise », à « suivre sa pente, au sens propre ».
Le voici sur l’autoroute. Au volant d’une voiture qu’il voit comme « un îlot, une robinsonnade qui prête à tous les glissements ». Le conducteur a l’œil ouvert sur le monde, l’oreille tendue vers un fameux morceau des Kinks qui n’a rien d’un slow. Sur les mots d’un écrivain autrichien qui parle de groseilles sauvages. Les mots sont d’ailleurs l’une des grandes affaires de Fabio Viscogliosi. « Certains mots ont le pouvoir d’électriser le monde par rebond », écrit-il, ajoutant plus loin : « Les mots sont les pièces d’un mécano à portée de main. » En route, Viscogliosi se souvient du jour où il a enfin décroché son permis de conduire. De son enfance ou d’un temps d’insouciance. Comme lorsqu’il s’est retrouvé, à l’âge de 25 ans, dans une villa italienne où l’on servait à volonté un cocktail bleu et où l’on diffusait la musique lascive de Martin Denny.
Le lecteur en apprend un peu plus sur le tour du monde de Raymond Roussel dont les déplacements n’avaient rien de fonctionnel. Il visite le cimetière du Père-Lachaise, les tombes de Jim Morrison, Marcel Proust et Georges Perec. Fabio Viscogliosi ne hausse jamais le ton, n’appuie jamais le trait. C’est avec bonheur qu’on l’écoute parler de Louise Brooks avec Jean-Luc Godard qui lui prête les Mémoires de l’actrice. Ou encore chercher à comprendre ce qui a pu le pousser à acheter un petit livre broché de 128 pages sur l’escrime ; songer à Errol Flynn en éminçant un oignon.
Apologie du slow est plein comme un œuf. On y trouve de tout. Des ombres, des fantômes, des étranges apparitions. Et surtout un écrivain subtil qui ne perd jamais ni le fil ni la note. Al. F.