Émile roula. Chez un grand écrivain, il n'y a pas de petit bout de la lorgnette. Tout fait sens. Même ses aspects familiers, ses hobbys. Émile Zola (1840-1902) n'échappe pas à cette règle. Grâce à sa correspondance, on savait déjà beaucoup de son intimité. On connaissait sa double vie, avec Alexandrine, l'épouse avec qui il n'a pas pu avoir d'enfants, et avec Jeanne, la petite lingère, la maîtresse tendrement aimée, et qui, à la fin, presque officialisée, lui donna deux héritiers, Denise et Jacques. On les voit souvent en photo, car Zola était fan de la petite boîte noire, et même un excellent amateur. Après sa mort, le 29 septembre 1902, dans son appartement du 21 bis, rue de Bruxelles à Paris, à la suite d'une asphyxie − accident ou attentat à la suite de la haine qu'avait suscitée son combat en faveur de Dreyfus, on ne le saura sans doute jamais −, Alexandrine, rescapée, adoptera les enfants naturels, qui porteront désormais le nom de leur auguste père.
Mais Zola nourrissait une autre passion, depuis le début des années 1890, bien moins anecdotique qu'il n'y paraît au premier abord : « Je suis un enragé de bicyclisme », confessa-t-il dans Le Vélo, le premier quotidien sportif dont il était un abonné fanatique. Au point, la veille de sa mort, d'écrire à son journal préféré pour faire suivre son abonnement de sa maison de Médan à son appartement parisien. Ce fut là sa dernière lettre, et tout un symbole, ainsi que le raconte Jean-Paul Vespini, auteur de cet épatant Zola à bicyclette.
Journaliste à La Provence, Vespini est lui-même un fondu de cyclisme, sur quoi il a écrit quelque vingt-cinq livres divers, en particulier à propos du Tour de France. Ironie de l'histoire, la Grande Boucle a été créée en 1903, soit un an après la mort de Zola, lequel, membre du Touring Club de France et de l'Artistic Cycle Club, aurait adoré l'événement. Il lui aurait sûrement inspiré des pages enlevées. Car l'écrivain a célébré la petite reine dans son œuvre, notamment dans Paris (1898), où Pierre et Marie flirtent à vélo, ou encore dans Angeline ou la Maison hantée, une nouvelle qu'il a écrite et publiée à Londres dans The Star, en 1899, durant son pénible exil pour échapper à sa condamnation aux assises.
Tout cela est passionnant. On ne se souvenait plus de cette vélomania qui toucha tout le gotha de l'époque (écrivains, éditeurs, présidents de la République, actrices, comme Sarah Bernhardt...), avant de s'imposer partout comme moyen de locomotion mais aussi comme remède à la sédentarité, au surpoids (Zola pesa jusqu'à 100 kg) et à la neurasthénie, ce mal si fin de siècle. « La bicyclette me rajeunit », disait encore Zola.
Zola à bicyclette. Libre et dans le vent
Arthaud
Tirage: 3 500 ex.
Prix: 19,90 € ; 280 p.
ISBN: 9782080462008