Roman/France 20 août Alain Jaspard

Ces bleus qui changent de couleur, ce sont de jeunes soldats français envoyés, en 1961, mener, en Algérie, une sale guerre qui n'ose pas dire son nom. Convoyés comme du bétail dans les cales du paquebot La ville d'Oran, ils rendent leurs tripes durant la traversée de Marseille à Alger. Parmi eux, un certain Maximilien, en hommage à Robespierre, baptisé ainsi par son père Mario, un mineur communiste républicain espagnol réfugié en France. Mais tout le monde l'appelle Max. Il a vingt ans, c'est un sacré glandeur qui n'a été fichu de décrocher qu'un bac sur deux, et qui a séduit Monique, dite Monika, folle de lui. Il ne sait pas vraiment quoi faire de sa vie, mais ce qu'il ne veut pas, c'est devenir « gueule noire » comme son père, à La Récamarie, dans la Loire, ni comme son frère aîné Guy, qui mourra rongé par la silicose. Lequel, de 1956 à 1959, avait justement « fait » l'Algérie.

Max a de la chance dans son malheur, les fées l'ont à la bonne. Il est parvenu au grade d'aspirant dans les chasseurs alpins, et se voit envoyé surveiller la frontière algéro-tunisienne, où il ne se passe strictement rien. Du haut de sa tour Mirabelle, il s'ennuie façon Désert des Tartares, il philosophe et il se fait sa culture : Céline, Camus... Il reçoit aussi des lettres tendres de Monika, jusqu'à ce que, tombé amoureux de Leïla, une jeune aide-soignante berbère, il se décide à rompre. Mais la fiancée délaissée ne s'avouera pas vaincue, et un caprice du destin, que nous ne dévoilerons évidemment pas, lui donnera raison. Après avoir vécu l'indépendance de l'Algérie, avec ses exactions et massacres de part et d'autre, Max rentre chez lui, où il mènera une petite vie médiocre. Illusions perdues... Pour raconter cette histoire de façon très vive et directe, comme si on y était, Alain Jaspard, cinéaste de profession, a choisi le mode choral : les narrateurs alternent (dont Ali, le copain d'enfance de Max, parti faire la guerre en Algérie, de l'autre côté, et revenu toutes ambitions déçues), les époques se télescopent, des années 1950 à nos jours. Son roman est un peu une histoire en creux des années 1950-1960, et d'une jeunesse française qui ne tardera pas à rompre avec l'ordre ancien.

Alain Jaspard
Les Bleus étaient verts
Héloïse d’Ormesson
Tirage: NC
Prix: 17 euros ; 220 p.
ISBN: 9782350877433

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