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Hachette Livre: Ce que Pierre Leroy a dit à ses équipes

Le nouvel immeuble Hachette Livre au 58, rue Jean-Bleuzen à Vanves - Photo Olivier Dion

Hachette Livre: Ce que Pierre Leroy a dit à ses équipes

Le nouveau P-DG d’Hachette Livre a beau marteler que le démantèlement du groupe n’est pas d’actualité, que le bicentenaire du groupe se déroulera comme prévu en 2026, avec l’ouverture stratégique d’un nouveau centre de distribution, le scepticisme persiste parmi les salariés. Retour sur la première rencontre syndicats-direction.
 

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Par Alexandre Duyck
Créé le 16.04.2021 à 11h32

« Hachette Livre ne sera pas dépecée et garde son périmètre ». Nous sommes le jeudi 8 avril. En vidéo, Covid oblige, Pierre Leroy, nouveau président directeur général d’Hachette Livre et Fabrice Bakhouche, désormais Directeur général délégué, rencontrent pour la première fois les élus syndicaux d’Hachette Livre. Et très vite, les deux nouveaux dirigeants délivrent un message qu’ils veulent rassurant : ni lui ni Fabrice Bakhouche ne sont là en intérim. Leur objectif est clair : rassurer des salariés légitimement inquiets, faire taire les supposées rumeurs, oublier le départ fracassant de son prédécesseur. Et regarder ensemble vers l’avenir.

Nuance sémantique

Une mise au point plus que nécessaire. Nous sommes en effet seulement dix jours après le départ d’Arnaud Nourry, P-DG d’Hachette Livre depuis 2003, brutalement démis de ses fonctions le 29 mars. Depuis plusieurs mois, Vivendi, déjà maison mère d’Editis, convoite le premier éditeur français et numéro trois mondial de l’édition généraliste. Arnaud Nourry s’en était ému dans la presse (dont Le Monde et Livres Hebdo) à de nombreuses reprises avant d’être poussé vers la sortie. Son départ est-il lié à cette prise de parole? Arnaud Nourry a-t-il voulu dévoiler le jeu d’un Arnaud Lagardère bien décidé, comme le dit la rumeur, à vendre ?

Au sein d’Hachette Livre et de ses milliers de salariés à travers le monde, la question occupe désormais tous les esprits : l’entreprise est-elle en sursis ? Et si oui pour combien de temps ? Ce jour-là, face aux représentants des salariés, qui demandent des réponses précises,  Pierre Leroy, qu’on surnomme au sein du groupe Lagardère « le serrurier », a donc tenté de rassurer ses interlocuteurs. Sauf qu’il n’a pas dit précisément que l’entreprise n’était pas à vendre. Simplement qu’il n’y aurait pas de démantèlement. Ce qui revient au même dans son esprit ? Peut-être. Mais venant d’un homme réputé pour soigner et maîtriser si bien les termes de son vocabulaire que Pierre Leroy, la remarque est loin d’être anodine.
 
Deux piliers : édition et retail
 
Autre élément censé rassurer les élus et les salariés : Pierre Leroy et Fabrice Bakhouche confirment que le projet de construction d’un nouveau centre de distribution est toujours d’actualité. Et pour le coup tel que l’avait envisagé son prédécesseur Arnaud Nourry. A un détail près : Pierre Leroy ne s’engage pas non plus formellement sur l’absence de plan social, assurant juste qu’il espère l’éviter. La direction du groupe n’a de plus toujours pas communiqué de décision finale quant à la validation du projet et son lieu d’implantation. Toujours à Maurepas, dans les Yvelines ou ailleurs en France ? Officiellement, la direction générale table toujours sur 2026 pour l’inauguration de ce nouveau centre de distribution. Une année qui coïncidera d’ailleurs avec le bicentenaire d’Hachette, fondé en 1826. Des réponses plus détaillées pourraient être apportées d’ici quelques semaines. En tout cas avant l’été.

Mais alors quid du scénario qui semblait tenir la corde ces dernières semaines, à savoir le rachat de l’entreprise par Vincent Bolloré, président du conglomérat Vivendi et donc d’Editis ? Pour la nouvelle direction d’Hachette, il n’existerait que dans les journaux. Condamnant le « bruit médiatique » opéré par Arnaud Nourry, qui n’aurait dû son éviction qu’à une sorte de crime de lèse-majesté (envers Arnaud Lagardère), Pierre Leroy l’a répété à plusieurs reprises : le groupe continuera de s’appuyer sur ses deux piliers que sont l’édition (rentable) et le Travel retail (en difficulté, à cause de la crise sanitaire).

Et le pôle Médias du groupe ? Pas un mot. Lors de cette rencontre, il a omis de mentionner Lagardère Media News. Comme si la cession d’Europe 1, de Paris-Match et du Journal du Dimanche était d’ores et déjà actée.
 
Pacification et vigilance
 
L’objectif de la rencontre était aussi bien de rassurer les salariés mais aussi l’extérieur. Le groupe Lagardère ne vise-t-il pas un « objectif de pacification » entre tous les actionnaires principaux : Vivendi, Amber, le Qatar, la Financière Agache, Bernard Arnault et bien sûr Arnaud Lagardère ? Cette volonté de « pacification » sera mise à l’épreuve lors de l’assemblée générale du groupe normalement prévue le 14 juin, mais qui pourrait être décalée de quelques semaines.

En attendant, Pierre Leroy tente de régler son pas sur celui d’Arnaud Lagardère. Le nouveau P-DG a repris les mots du dirigeant de la holding, prononcés le 29 mars en Conseil d’administration : « Il n’existe aucun projet de démantèlement d’Hachette Livre. » Il s’y est même engagé formellement. Ni Vincent Bolloré (via Editis), ni Bernard Arnault (via Madrigall) n’auraient, en réalité, manifesté leur intention d’acquérir Hachette Livre. Arnaud Nourry se serait-il affolé pour rien ? Ce dernier ignorait-il des choses que Pierre Leroy, cogérant du groupe, lui savait ?

Les élus du CSE et les salariés d’Hachette Livre ont en tout cas « pris acte » de l’affirmation, formulée ce 8 avril, par leur nouveau patron, « de l’inexistence d’un projet de démantèlement ou de revente totale d’Hachette Livre. » « Certes, nos interrogations et angoisses ont été balayées d’un revers de la main, assure Noëlle Genaivre, secrétaire du comité de groupe (CFDT). Pierre Leroy nous a demandé de discuter en confiance. Mais l’inquiétude demeure. » Le soulagement reste donc tout relatif. Les élus ont demandé la tenue d’un comité de groupe extraordinaire au niveau européen. « On a bien sûr envie de croire aux promesses de Pierre Leroy, confie Didier Mollet (CFDT), mais nous restons méfiants et très vigilants. ».

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