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Pierre Leroy, nouveau P-DG d'Hachette, tente de rassurer les équipes

Le nouvel immeuble Hachette Livre au 58, rue Jean-Bleuzen à Vanves - Photo Olivier Dion

Pierre Leroy, nouveau P-DG d'Hachette, tente de rassurer les équipes

Le départ d'Arnaud Nourry lundi 29 mars, dont les raisons font l'objet de multiples spéculations, a fait l'effet d'un séisme chez Hachette Livre où les équipes appréhendent les suites dictées par l'actionnaire Lagardère.

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Par Isabel Contreras,
Anne-Laure Walter,
Créé le 31.03.2021 à 17h17

Le secrétaire général du groupe Lagardère, Pierre Leroy, nommé P-DG d'Hachette Livre le 29 mars, a adressé un premier message à ses équipes au lendemain de l'annonce de son arrivée. Face aux inquiétudes d'un possible démantèlement, il "affirme sans ambiguïté" que "le projet qui est porté est bien celui de la poursuite du développement d’Hachette Livre, en France comme à l’international, dans le livre comme dans les diversifications engagées ces dernières années. C’est le seul projet, celui qui est conforme à la pérennité du groupe Lagardère."

Ces mots, qui se voulaient rassurants, n'ont pas été perçus ainsi en interne. "C'est de la langue de bois", lancent amèrement des salariés interrogés. Le départ d'Arnaud Nourry après dix-huit ans à la tête d'Hachette Livre affecte profondément les équipes. "Il me manquera personnellement et professionnellement", a déclaré le 30 mars le P-DG de la filiale britannique d'Hachette UK, David Shelley, dans un communiqué interne. "Choquée", la communication du groupe, qui avait piloté une séquence médiatique d'Arnaud Nourry relayée ces dernières semaines dans les médias, ne répond plus aux sollicitations de la presse.

Les raisons du départ d'Arnaud Nourry interrogent. Qualifié de "séparation amiable" par Lagardère, il apparaît quelque peu précipité. Si Arnaud Nourry dans le message adressé aux équipes lundi soir n'évoque pas les raisons de son départ, dans le milieu des affaires, plusieurs explications émergent.

La campagne médiatique

Après publication des résultats annuels fin février, le P-DG d'Hachette Arnaud Nourry part en campagne pour défendre l'intégrité de l'entreprise et se féliciter de ses très bons chiffres. Livres Hebdo, qui n'avait pas réalisé d'entretien avec lui depuis 2015, voit les portes s'ouvrir fin février et s'insère dans un dispositif médiatique. Au Figaro, Les Echos, Le Monde comme dans LH Le Magazine, il affirme sa radicale opposition à un rapprochement avec Editis. "Ça n'a aucun sens" martèle-t-il à Livres Hebdo et dans toute la presse rappelant qu'il sera "toujours en faveur des scénarios qui permettront d'assurer l'intégrité, le développement et au final la pérennité du groupe".

Pour Jean-Clément Texier, président de la compagnie financière de communication, qui a été pendant vingt ans l'expert chez BNP Paribas des fusions acquisitions dans l'édition, "Arnaud Nourry s'est exprimé comme s’il en était le propriétaire et non le responsable d’une filiale. Il y a une loi absolue quand le capital est en jeu, les patrons de filiales ne doivent s’exprimer, ni prendre des initiatives." "Il s'est pris pour Louis XIV, tacle une observatrice du dossier. Sa fonction était purement locative".

Des rumeurs de LBO

Selon La Lettre A, Arnaud Nourry aurait par ailleurs récemment pris l'initiative d'écrire à Emmanuel Macron pour l'informer des risque d'un démantèlement d'Hachette, fleuron de la France. Il rappelait au Président de la République que les archives d'Hachette font partie du patrimoine culturel français et ont même été classées monument historique en 2002.

Cette démarche, sans en avoir informé son actionnaire, serait couplée à une autre initiative en solo, révélée par La Lettre A lundi 29 mars, quelques heures avant qu'Arnaud Nourry soit convoqué par son actionnaire. Le P-DG d'Hachette aurait pris contact avec des fonds d’investissement en vue de procéder à un montage financier de type Leverage buy-out (rachat avec effet de levier) sur Hachette Livre. "Quand j'ai lu l’interview dans Livres Hebdo, j'ai pensé que c'était un modèle à mettre dans les mains d'un junior :  dix slides pour une equity story afin de soutenir votre LBO", s'amuse Jean-Clément Texier. Avec un chiffre d'affaires de 2,4 milliards pour un résultat de 246 millions, "le livre a une rentabilité récurrente, pour les fonds d’investissement, ce sont des dossiers de rêve, ajoute le banquier d'affaires. Il ne devait pas y avoir une semaine sans qu’Arnaud Nourry soit sollicité par des fonds. "

La fin de la commandite

A l'approche de l'assemblée générale de Lagardère, le 14 juin, les discussions semblent s'intensifier entre le gérant-commandité Arnaud Lagardère et les deux actionnaires Vincent Bolloré et Bernard Arnault. Elles aboutiront à la fin de la commandite, qui rend Arnaud Lagardère intouchable, et à une modification de la gouvernance. L'enjeu de la bataille est l'accès aux influents médias du groupe (Europe 1, Paris Match, le JDD), mais également la prise de contrôle de tout ou partie d'Hachette Livre. Arnaud Nourry, dans ses interventions publiques, s'est clairement positionné contre un rapprochement avec Vivendi, propriétaire du groupe Editis depuis deux ans, et Vincent Bolloré. Le Monde cite une source du monde des affaires : "Il savait que Bolloré exigeait sa tête comme point numéro un d’un accord". Selon le quotidien, Arnaud Lagardère pourrait donc, par cette éviction, avoir livré une tête à Vivendi, aujourd'hui premier actionnaire de son groupe.

 

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