Le jour d'après

Guillaume Montégudet : "un regard collectif nouveau sur le télétravail"

Guillaume Montégudet, directeur du pôle Education & Formation d'Humensis, à la veile du déconfinement, le 11 mai - Photo DR.

Guillaume Montégudet : "un regard collectif nouveau sur le télétravail"

Dix-septième épisode du feuilleton de Livres Hebdo "Le jour d'après"rédigé à tour de rôle par différents professionnels du livre. Aujourd'hui, Guillaume Montégudet, directeur du pôle Education & Formation d'Humensis.

Par Fabrice Piault,
Créé le 15.05.2020 à 20h00

« 16 mars 2020... le confinement général de la population s’accompagne de la fermeture des librairies. Toute la chaîne du livre est frappée de sidération. Pour protéger le présent et ne pas compromettre l’avenir, l’édition s’installe dans le chômage partiel. Et pourtant, comment envisager que les nouveaux manuels de Terminale puissent subir le moindre retard ? Comment ne pas satisfaire les exigences nouvelles de la continuité pédagogique voulue par le ministère de l’Education nationale par la mobilisation de nos ressources numériques ? Comment concevoir de laisser sans soutien les publics les plus fragiles ou en difficulté d’apprentissage ?

Se voir, s'encourager

Immédiatement, la décision s’impose : Belin Education, et l’ensemble des activités Education & Formation d’Humensis poursuivront leurs activités en quasi-totalité. En télétravail, comme il se doit. Depuis deux mois, loin de leurs repères habituels, une centaine de collaborateurs continuent ainsi d’échanger, tout le temps, et de prendre des décisions rapides. Les choses ne sont pas simples, loin de là. A distance, avec une organisation support limitée, des collègues absents ou à temps réduit. Toujours en « visio », parce qu’au-delà de se parler, il est important de continuer à se voir, à se sourire, à s’encourager, y compris par le langage du corps, quelles que soient les limites de la bande passante ou la coquetterie d’un nouveau look subi que l’on cherche parfois à dissimuler. Avec quelques fois aussi des horaires décalés pour s’adapter aux exigences d’un foyer familial reconstitué 24h/24 et à la garde d’enfants en bas âge que la caméra des parents a cet art d’intriguer.

Bien sûr, il y a les soirs où l’on se demande si on va y arriver. Si le fait d’ajouter les incertitudes du moment à un plan de charge que l’on croyait bien huilé ne sera pas insurmontable. Si l’énergie démultipliée des uns ne va pas user les autres.  Et puis il y a les matins qui laissent les doutes de côté pour déployer massivement nos solutions numériques, avec des niveaux records d’usage qui redoublent notre confiance en l’avenir. Bon nombre de professionnels auront réalisé ce qu’ils n’auraient jamais imaginé, et sans doute jamais osé tenter : poursuivre leurs enseignements en distanciel, grâce aux possibilités pédagogiques offertes par le numérique, jusqu’ici souvent ignorées. Nos nouveaux manuels Belin pour la réforme de la Terminale sont également tous là, dans les délais, en version papier et numérique, prêts à être envoyés aux établissements dans les jours prochains, dès que nous en aurons le feu vert.

Une équipe pleinement reconstituée

Oui, il y aura eu des difficultés, des habitudes chamboulées, l’usure d’un confinement qui pèse chaque jour un peu plus sur nos existences contraintes, le mal-être ressenti par toute une chaîne du livre profondément bousculée par le coup d’arrêt porté à l’activité de trop nombreux de ses acteurs dévoués. Et pourtant, le « Jour présent » me rassure. Parce que sans doute j’ai le sentiment que, finalement, nous sommes parvenus à plus ou moins l’apprivoiser. Le « Jour d’après » me serait-il plus inquiétant, parce que profondément incertain ? A bien des égards, certainement.  On cherche, on réfléchit, sans ignorer ce que les uns et les autres écrivent et disent à longueur de journée : qui cet expert témoignant humblement qu’il ne sait pas, qui ce nouvel augure improvisé, pétri de ses certitudes, qui cet optimiste, et qui ce pessimiste du monde d’après que chacun tente de façonner à son idée. La réflexion laisse libre-cours à l’imagination, tant les repères semblent fragilisés. Ai-je pourtant quelques certitudes ? Avec confiance, oui.

Oui, je crois que le « Jour d’après » sera d’abord celui d’une équipe pleinement reconstituée, avec tous ceux qui n’auront rien lâché depuis deux mois et tous ceux qui vont remonter à bord d’une activité n’ayant rien sacrifié de son avenir. Cette seule perspective ne porte-t-elle pas tous les optimismes ?
Oui, je crois que notre « Jour d’après » célébrera une rentrée scolaire réussie. Comment douter des énergies décuplées de toute la chaîne éducative ? Avec la fierté d’un éditeur scolaire d’avoir fait le job le mieux possible, à la fois pour accompagner les enseignants en cette période singulière et préparer l’avenir en finalisant les outils pédagogiques nouveaux dont ils auront besoin. Avec la conviction aussi que la place d’un numérique jusqu’ici trop souvent contrainte, ne sera plus la même : en présentiel, dans les classes ; en distanciel, à la maison, avec des opportunités d’un continuum enseignants, élèves, parents, plein de richesses nouvelles.

Une disponibilité permanente de l'éditeur

Oui, je crois que le « Jour d’après » ne verra plus les publics décrocheurs scolaires, à faible qualification et éloignés de l’emploi, être les grands oubliés de la continuité pédagogique, parce que des CFA ou des organismes de formation à la pédagogie encore trop souvent purement présentielle, auront dû brutalement fermer, sans la moindre possibilité d’accompagnement distanciel de leurs apprenants.
Oui, je crois que le « Jour d’après », nous serons plus proches de nos clients. La mobilisation tout azimut, au téléphone, en téléconférence, par webinaires, chatbot pour accompagner les milliers de nouveaux utilisateurs de nos solutions numériques, laissera des traces : celles d’une disponibilité permanente de l’éditeur, qui dépasse la seule satisfaction de proposer de bons produits et de bien les vendre.

Oui, je crois que le « Jour d’après » portera un regard collectif nouveau sur le télétravail. Lequel exactement ? Chacun en a son idée propre. Plus ou moins positive. Plus ou moins inquiète. Aucune organisation collective ne pourra faire l’économie d’un bilan fondé sur le partage d’expériences avec les collaborateurs, pour définir ensemble la juste place d’un mode de travail dont l’explosion sera assurément porteuse de nouveaux équilibres professionnels et personnels.
Mais, quelles que soient ses promesses, le « Jour d’après » ne sera pleinement vécu qu’après un déconfinement progressif aux multiples défis qu’il nous faudra encore savoir relever. Et après de grandes vacances d’été dont la nécessité est aujourd’hui aussi certaine que les modalités en demeurent incertaines. »

 

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