Annoncée en pleine Pentecôte, jour de l’apparition du Saint-Esprit, la fin du système d’évasion fiscale organisé par Amazon en Europe a été trop vite déduite d’un communiqué du groupe qui ne déclarait rien de tel. Amazon EU SARL, la société luxembourgeoise qui encaissait toutes les ventes en Europe, a ouvert des succursales dans les principaux pays du continent. "Depuis le 1er mai, Amazon EU SARL encaisse les ventes à ses clients via ces branches", mentionne simplement la multinationale américaine depuis son siège européen du Luxembourg. Pour la France, elle ajoute qu’elle travaille à cette réorganisation, pas encore opérationnelle.
La succursale française est en réalité déclarée depuis le 1er mars, mais le transfert des actifs et du personnel reste à faire. Consultés il y a quelques semaines, les représentants des salariés d’Amazon.fr (logistique) et d’Amazon SAS (gestion du site, relations avec les fournisseurs) ont donné leur accord. Le démantèlement du circuit de prestations de service interne devrait donc intervenir prochainement, comme le laisse supposer le départ de Romain Voog, ancien directeur France.
L’encaissement des achats des clients français par la nouvelle succursale française enregistrée à Clichy, au siège d’Amazon France, ne signifie toutefois nullement que l’équité fiscale sera rétablie. Amazon EU SARL, dont dépend cette succursale, affiche un déficit comptable et n’est donc pas imposable en raison du transfert de tout son bénéfice sous forme de royalties à une autre filiale luxembourgeoise, Amazon Europe Holding Technologies. Celle-ci ne règle strictement aucun impôt, malgré un profit net de 345,7 millions d’euros l’an dernier, qui a plus que doublé par rapport à 2013. La Commission européenne enquête sur ce montage depuis près d’un an, mais il fonctionne toujours pour le moment. Si les succursales nationales sont artificiellement plombées par les mêmes ponctions de royalties toujours aspirées au Luxembourg, elles ne seront pas plus imposables.
Hervé Hugueny