Les Yvelines ont supprimé il y a quelques mois leur BDP pour la remplacer par un pôle de développement culturel ayant vocation à gérer l'ensemble des missions du département en matière de culture, dont la lecture publique.
Dans ce nouveau pôle, l'équipe des bibliothécaires départementaux, réduite à 16 personnes, est chargée de conseiller les élus et de les accompagner dans leur projet de lecture publique. L'achat et le prêt de documents aux bibliothèques des petites communes du département, missions traditionnelles et historiques des BDP, ont été complètement supprimés. Les collections de l'ancienne BDP 78 ont été cédées définitivement à plusieurs bibliothèques du territoire. Les actions culturelles (montage d'exposition, prêt de matériels d'animation) ont également disparu des missions du nouveau pôle.
"Le département a fait le choix de proposer de l'ingénierie et plus de l'opérationnel, a justifié Marie-Christine Jacquinet, arrivée à la direction de la BDP 78 en 2013 et aujourd'hui à la tête du pôle culturel. Les bibliothécaires départementaux ne sont plus des exécutants de la politique documentaire mais des accompagnateurs de cette politique dans les collectivités territoriales".
Peu convaincant
Des arguments qui n'ont pas convaincu l'assistance. Les directeurs de BDP évoquent depuis plusieurs années déjà dans leurs journées d'étude la perspective de passer d'une activité centrée sur la fourniture de documents à une activité centrée sur le conseil et l'ingénierie. Mais le choix fait dans les Yvelines apparaît comme trop brutal. "La mission de lecture publique, qui est une obligation des départements, est-elle encore assurée dans ces conditions ?", s'interrogeait un participant en aparté.
"Ce choix n'a pas été basé sur une analyse en profondeur, a déploré Gaetano Manfredonia, directeur de la BDP de la Corrèze, qui participait à la table ronde. Vous avez supprimé la desserte documentaire sans connaître son impact réel sur les bibliothèques. C'est un pari sur l'avenir très risqué car le retour en arrière sera impossible".
En Corrèze, le budget d'acquisition de la BDP représente 60% du total des dépenses documentaires réalisées par la BDP et les bibliothèques qu'elle dessert. Ses collections constituent 58% des documents en circulation dans ces bibliothèques. Difficile dans ce contexte de supprimer le service de prêt de documents de la BDP, même si Gaetano Manfredonia reconnaît les limites du système et la nécessité de le faire évoluer. "Avec la crise budgétaire, la dépendance des collectivités territoriales vis-à-vis de la BDP s'est renforcée, a constaté le directeur. Certaines bibliothèques d'intercommunalités sont très performantes mais elles fonctionnent avec 80% de collections provenant de la BDP. On ne peut rien faire s'il n'y a pas de volonté politique".
Dans le Calvados, une analyse des activités de la BDP a montré la nécessité de rendre le prêt de documents plus souple et plus facile pour les bibliothèques utilisatrices, mais pas de le supprimer. "Notre département n'est pas mûr pour cela", a conclu Benjamin Vallée, de la BDP du Calvados.
L'expérience des Yvelines, qui avait suscité l'été dernier un communiqué de l'ADBDP qui y exprimait son inquiétude, risque de faire couler encore beaucoup d'encre, comme toutes les expériences radicales. Le rapport de l'Inspection générale des bibliothèques sur le pôle culturel des Yvelines, annoncé pendant les journées d'études à Caen, devrait apporter dans quelques mois des éléments d'analyse objectifs et dépassionnés sur ce fonctionnement entièrement inédit en matière de lecture publique départementale.