« Le succès dans l'édition va ces temps-ci aux titres à rallonge, petites phrases idiotes, momeries sentimentales. Afin que nos classiques soient encore lus malgré tout, je propose de les rebaptiser selon la tendance. Le Père Goriot pourra s'intituler désormais : Sois heureuse, ma fille ; Madame Bovary : Parce que je mérite d'être aimée comme une autre ; Mémoires d'outre-tombe : Ai-je donc tant vécu ? ; Robinson Crusoé : Seul, c'est tout. » Ainsi l'écrivain Eric Chevillard tacle-t-il, dans L'Autofictif, son journal en ligne, le suivisme dans l'édition qui se manifesterait jusqu'aux titres des ouvrages ambitionnant de séduire le plus grand nombre. Existerait-il un titre magique pour qu'un livre se vende ? « On remarque un certain nombre de mots déclics, en particulier dans les tops de non-fiction », observe Catherine Malaval, fondatrice de l'observatoire Motamorphoz, qui s'est penchée à notre demande sur plusieurs années de meilleures ventes. « Les métaphores et idiotismes animaliers sont des outils puissants de communication et de reconnaissance, qui s'inscrivent dans une réflexion en plein essor », note cette docteur en histoire, évoquant notamment Agir et penser comme un chat (Stéphane Garnier, L'opportun), Calme et attentif comme une grenouille (Eline Snel, Les Arènes) ou La vie secrète des animaux (Peter Wohlleben, Les Arènes). Les titres dérivés de la France (Destin français et Le suicide français, d'Eric Zemmour chez Albin Michel ; La France pour la vie, de Nicolas Sarkozy, chez Plon ; Comédie française, ça a débuté comme ça, de Fabrice Luchini, chez Flammarion) se démarquent également, donnant aux ouvrages concernés « le statut d'un livre de garde, un livre qui fera référence et qu'il faut avoir », remarque Catherine Malaval, qui a aussi repéré le champ lexical des « mystères intérieurs », du Charme discret de l'intestin (Giulia Enders, Actes Sud) aux Joies d'en bas, tout sur le sexe féminin (Nina Brochmann et Ellen Støkken Dahl, Actes Sud). Quant aux « titres phrase », dans la foulée du célèbre Ta deuxième vie... de Raphaëlle Giordano (Eyrolles), désormais indissociables du rayon feel-good books : « Certains ressemblent à un incipit de roman (J'ai toujours cette musique dans la tête, Agnès Martin-Lugand), d'autres s'approcheraient presque du haïku (Le parfum du bonheur est plus fort sous la pluie, Virginie Grimaldi), mais on peut aussi faire un parallèle avec le monde du marketing : Et tu trouveras le trésor qui dort en toi, avouez qu'on peut difficilement faire mieux comme promesse client ! »