Les enfants qui s'aiment. « C'est bleu, rouge et or, platine, Paris m'entête, Paris n'a jamais autant senti Paris, j'aime quand la ville palpite et se montre, lorsqu'elle me sertit, le panache, les rires, les flashs, le trac, il y a là tout ce qui me plaît : le music-hall, les tournées, les amis, la grande vie, bourlinguer. » Paris donc, et une gamine qui traverse la ville et se laisse traverser par elle comme une sorte de Zazie disco punk. C'est une fleur du bitume de 13 ou 14 ans qui fuit sa mère (qui la fait poser nue pour des photographies dites « artistiques » et la « prête » à des hommes qui sont comme autant d'ogres − parmi lesquels l'inévitable Gabriel Matzneff) autant que les services sociaux et de protection de l'enfance. Elle trouve refuge dans la dope, dans la nuit de Pigalle, de Montmartre, des Bains douches et du Palace, parmi d'autres chiens perdus sans collier qui n'ont pas encore rencontré la gloire, Christian Louboutin, Pierre et Gilles, Vincent Darré, Philippe Krootchey, Edwige... Et puis, il y a Charles. Qui n'est pas gay et ne ressemble à personne. Ce sera lui le grand amour d'Eva.
Avec Grand amour, Eva Ionesco retrouve la grâce à la Cocteau d'Innocence, son premier roman. C'est son Les enfants terribles. Pourtant en a-t-on soupé de ces histoires de nightclubbing dans la nuit parisienne (ou new-yorkaise, ici aussi évoquée), de ces dernières danses avec Warhol, Basquiat ou Saint Laurent où tout ce qui brille n'est pas Dior... Mais là peu importe, pour Ionesco ce n'est jamais qu'un décor qui enchâsse en son sein la nuit, la peur, les voix éteintes de la jeunesse. Et c'est terrible, et terriblement beau.
Grand amour
Robert Laffont
Tirage: 6000 ex.
Prix: 22 € ; 320 p.
ISBN: 9782221277980