Ce qui caractérise le mieux la culture européenne, c’est sa diversité. C’est une richesse en raison de la profusion de créations qu’elle génère, et une faiblesse à cause de la dispersion qu’elle entraîne, et qui complique sa rentabilisation. Dans l’édition, les seuls groupes européens implantés dans les principaux bassins linguistiques de l’Union sont les spécialistes des STM (1) : la culture scientifique est commune, et l’anglais unifie le tout.
En littérature générale, la situation est plus complexe. "Les plus grands groupes d’édition sont européens, mais plusieurs d’entre eux sont aussi très implantés aux Etats-Unis", souligne Alain Kouck, P-DG d’Editis, filiale de l’espagnol Planeta. Paradoxalement, ils ne couvrent pas tous les principaux marchés européens. Implanté aux Etats-Unis, Hachette Livre est en Espagne, en France et au Royaume-Uni, mais va peu au-delà du Rhin. L’allemand Bertelsmann s’y est replié au contraire, en cédant ses clubs de livre, même s’il contrôle aussi Penguin Random House dans l’univers anglophone, comme Holtzbrinck y possède Macmillan, et comme Pearson se développe dans l’éducation. L’italien RCS a cédé presque toutes ses filiales d’édition européennes, dont Flammarion. La plus large implantation européenne d’un groupe d’édition fut sans doute celle de l’américain Reader’s Digest, aujourd’hui démantelé. Le spécialiste de la littérature sentimentale Harlequin, filiale du groupe canadien anglophone Torstar, est aujourd’hui la plus paneuropéenne des marques, présente dans 12 pays.
Une distribution éparpillée.
Dans la distribution, c’est aussi cloisonné. La Fnac est restée en zone francophone et dans le bassin méditerranéen. Les chaînes de librairies allemandes ou britanniques ne sortent pas de leur zone linguistique. Bol, le projet franco-allemand de distribution de livres sur Internet, n’a pas survécu à l’éclatement de la bulle en 2000, contrairement à Amazon, aujourd’hui très bien implanté en Europe, dont il maîtrise au mieux la fiscalité. Kobo, dans la distribution d’ebooks, seul concurrent disposant d’une implantation paneuropéenne, est une entreprise canadienne contrôlée par le groupe japonais Rakuten. Ce dernier a repris le français PriceMinister, actif dans le livre d’occasion, pour lui donner l’implantation européenne qui lui manquait faute de moyens : un des effets de cette diversité qui renchérit les coûts d’exploitation transfrontaliers.Dans les groupes d’édition, la réflexion européenne est néanmoins réelle, en dépit de ces contraintes. "Notre double implantation nous a permis de porter activement le succès de Carlos Ruiz Zafón en France, et d’obtenir le soutien de Planeta pour la promotion de Marc Levy en Espagne, et au-delà en Amérique latine. Nous déve«“Lonely Planet». Avec «Pour les nuls», très développée en France, nous trouvons un nouveau marché en Espagne, de même qu’avec des séries en jeunesse, comme T’choupi, ou avec le matériel éducatif de Nathan", explique Alain Kouck. <
(1) Voir le classement annuel Livres Hebdo de l’édition mondiale, LH 959 du 21.6.2013, p. 12.