18 AOÛT - PREMIER ROMAN France

Dans cette première livraison d'Alma, la maison fondée par Jean-Maurice de Montremy et Catherine Argand, c'est le poète Thomas Vinau, 34 ans, publié chez différents éditeurs (éditions Cousu main, Asphodèle, N & B, Motus ou Nuit myrtide) qui offre son premier roman, un texte à la narration fragmentée, aux reflets changeants, dense et délicat. Nos cheveux blanchiront avec nos yeux s'ouvre sur un carnet de route un peu froid, et se poursuit par un journal de bord au lyrisme modeste dans lequel ce "militant du minuscule", tel que l'auteur se qualifie sur son blog, collecte les "miettes, poussières, brindilles, vétilles" avec lesquelles, comme un oiseau, il construit son livre-nid.

Deux parties - "Le dehors du dedans", "le dedans du dehors" -, deux positions dans le monde, deux points de vue sur le monde. Placé sous le célèbre exergue de Blaise Cendrars, "Quand on aime il faut partir", c'est d'abord à distance que l'on se tient, comme derrière la vitre des trains et des bus que Walther, jeune homme dont on ne sait pas grand-chose, emprunte dans son voyage-errance à travers l'Europe du Nord. Il sauve des griffes d'un chat un oiseau d'une espèce inconnue, qu'il baptise Pec. Le croyant migrateur, il décide de l'accompagner dans le sud de l'Espagne, jusqu'à Malaga. S'arrête en chemin. Rencontre femmes et hommes de passage, comme les oiseaux. Envoie quelques lettres laconiques à Sally, laissée derrière sans trop d'explications. Les atmosphères sont urbaines, nocturnes, souvent pluvieuses. La lumière, artificielle. Les lieux, hantés par des artistes morts (Chet Baker dans une chambre d'hôtel à Amsterdam, Kafka à Prague, Walter Benjamin à Port-Bou), établissent entre eux des correspondances singulières.

Puis changement de focale. On passe au je, "au ras des choses", on entre dans un espace intérieur qui sent le tiède. On retrouve notre voyageur, une femme, un bébé : "notre chaos velouté". La voix change, plus murmurante, plus douce. Les images se font plus organiques, plus musicales aussi. Le voyage qui a l'air immobile n'en est pas moins lointain. Devant les yeux, à l'infini, les "superbes insignifiances qui (me) tiennent debout" : une cigarette fumée sur une terrasse, des chaussettes oubliées plusieurs saisons sur un fil à linge, "marque-page dans le livre du temps". Quand on aime il faut rester.

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