1er Roman/France 3 janvier Samy Langeraert

Contrairement à la nature, la littérature n'a pas horreur du vide, bien au contraire. Elle l'apprivoise. C'est même l'une de ses raisons d'être, ainsi que d'éviter, parfois, le recours aux psys. C'est cette thérapie par l'écriture que, comme tant d'autres, a choisi le héros de Samy Langeraert, un jeune homme qui a étudié aux beaux-arts de Paris puis, suite à sa rupture avec M., se retrouve sur « le bord d'un trou béant ». Angoisse, dépression, souvenirs des jours heureux qui lui reviennent sans cesse en mémoire, il décide de fuir, de la fuir, de se fuir aussi, et part un an à Berlin. Quitte à faire quelques allers-retours, où Paris a tendance à s'effacer au profit de la capitale allemande.

Mais attention, pas question de s'étourdir dans les quartiers branchés, d'habiter à Kreuzberg, le boboland local. Notre ami vit dans une colocation un peu sordide, dans un quartier sans histoire et peu passant, près d'un square, d'un parc, d'un lac où il va nager. Il s'étonne de la froideur des Berlinois, remarquant que même leurs enfants, lorsqu'ils se font mal, ont tendance à prendre sur eux et ne pas pleurer. Là, il passe ses journées à ne strictement rien faire, et se sent un peu comme David Bowman, l'astronaute de 2001 Odyssée de l'espace, « en apesanteur ». Sa seule occupation, pour maintenir un peu de lien social et assurer la vie matérielle, c'est de donner des cours de français, par Skype, à une Allemande de Zurich, ou à Yousel, de Manama (Bahreïn). Et il y a aussi Jacob, son autre élève, qui a son bureau sur le Kurfürstendamm. Sinon, il fait des traductions, et photographie tout et rien, la neige, par exemple. « Le temps s'écoule autour de moi, mais pas en moi », note-t-il.

Et puis, insensiblement, paragraphe après paragraphe et sans véritable ordre (chrono)logique, un texte naît, un livre à venir s'écrit. Un voyage immobile loin de tous les clichés sur Berlin, sa jeunesse internationale, sa vie trépidante, ses raves convulsives, le tout servi par une écriture d'une rare élégance. Pour un premier roman, c'est une jolie réussite, dans le genre introspectif, discret, feutré, un rien intello. Et à la fin, on ne sait même pas vraiment si le héros rentre ou non.

Samy Langeraert
Mon temps libre
Verdier
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 12,50 euros ; 96 p.
ISBN: 9782378560072

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