L’intrigante héroïne du nouveau roman d’Anne Berest est née à Limoges en 1984. Emilienne n’aime ni les responsabilités, ni prendre la parole devant les autres. Cette maman d’un garçon de 14 ans est photographe. Un métier qui, dit-elle, consiste à "faire sourire les gens". Surtout les mariés, les enfants scolarisés en Seine-et-Marne et les salariés des entreprises faisant appel à ses services.
Quand elle travaille pour elle, Emilienne cherche "à saisir un état d’attente, un entre-deux, créer une forme de suspense". Pour l’heure, elle réfléchit à un projet d’exposition. Avec l’idée de se pencher sur le thème de la femme parfaite. Autour d’elle, on trouve sa voisine Julie, businesswoman qui n’arrivait pas à avoir un enfant, en a eu un puis est tombée en dépression et s’est retrouvée à Sainte-Anne. Emilienne rencontre aussi Marie Wagner, 45 ans, médecin et veuve d’un pasteur qui lui explique qu’elle n’est pas une sainte mais le diable. Elle croise ensuite Alizée, adolescente voleuse de chips au goût BBQ, la vénéneuse Georgia qui l’embrasse et lui parle de sa tante Zelda, ou encore Zahia qui a eu des amours tarifées avec des footballeurs avant de devenir styliste.
L’auteure des Patriarches (Grasset, 2012, repris chez Points) surprend et séduit avec cette pétillante comédie portée par l’humour et la folie douce. L’écrivaine se penche sur la condition féminine moderne, sur ce que l’on arrive à fixer, ce qui est éphémère et nous échappe. Le lecteur l’accompagne volontiers, mettant ses pas dans ceux d’Emilienne. Une drôle de dame qui confesse qu’elle adore boire un gin-tonic dans un bar d’hôtel, manger des huîtres, faire l’amour et avoir, tous les mercredis à la même heure, envie de manger des saucisses. Al. F.