Chères disparues. C'est sans doute la mort de Diane de Margerie, le 25 août 2023, à 95 ans, qui a déclenché chez Dominique Fernandez l'idée de ce livre - hommage, portraits, mais aussi examen de conscience sans fard, voire règlement de quelques comptes. Pour la première fois depuis longtemps étaient là réunis l'écrivain, ses enfants et la disparue, qui fut l'un des grands amours de sa vie en dépit de toutes leurs incompatibilités, et en particulier d'une homosexualité vécue et finalement avouée par lui. Diane fut son épouse durant dix ans, de 1961 à 1971, et la mère de ses enfants Ramon et Laetitia. Leur père fut aimant certes, fier d'eux et de les avoir désirés, mais aussi absent de leur éducation en raison des circonstances. Après le divorce, Diane, femme de fort caractère qui est allée jusqu'à « haïr » son époux infidèle, les a élevés seule, lui interdisant même de les revoir.
C'est l'une des souffrances familiales de l'écrivain, qui en a connu bien d'autres. Il est le fils de Ramon Fernandez (dans sa famille mexicaine, tous les mâles aînés se prénomment Ramon), brillant écrivain, coqueluche de la NRF dans l'entre-deux-guerres, mais père exécrable et collabo, mort en 1944. Ce Ramon-là était tyrannisé par Jeanne Gabrié, sa mère, la grand-mère de Dominique, une pionnière du journalisme de mode, amie du Tout-Paris quoique toujours fauchée, et influenceuse en son temps. Cette maîtresse femme, veuve jeune, était un despote, mais elle a aidé aux débuts littéraires de son petit-fils en lui présentant quelques célébrités dont Mauriac.
Jeanne détestait sa belle-fille, Liliane Chomette, la mère de Dominique, qui était tout son contraire : pauvre, méritante, elle parvint à l'agrégation et, espèce de nonne laïque, a éduqué ses enfants dans l'extrême rigueur janséniste, ne manifestant quasiment jamais son amour. Quant à son mariage avec Ramon, il fut juste « catastrophique ».
Chacune de ces trois femmes est saluée à sa place et à proportion de son importance dans la vie de Fernandez. Diane de Margerie se voit donc consacrer pas moins de seize chapitres, d'abord personnels, puis... d'analyse de son œuvre ! Là, c'est le lecteur et l'éditeur qui parle et déplore que cette œuvre ne soit pas toute réussie (ses romans, notamment, qu'il trouve complètement désincarnés), ni reconnue à sa juste place. Dans une curieuse note finale, il le lui reproche presque, parlant de sa « dispersion ». Cela donne à son propre livre un aspect composite et un peu déséquilibré, entre la confession, le portrait et l'essai littéraire.
Les trois femmes de ma vie
Philippe Rey
Tirage: 4 500 ex.
Prix: 18 € ; 272 p.
ISBN: 9782384821143