Une femme qui, après plus d'un demi-siècle d'une vie particulièrement chaotique, tapageuse, nomade, d'addiction au « sexe, drogues & rock'n'roll », trouve enfin son paradis terrestre à Naples et proclame son amour pour le même homme, Christian, dix-sept ans après leur mariage, ne saurait être tout à fait mauvaise. Après avoir plus que frôlé la mort en 2001, lorsque son corps, épuisé de tous ses excès, l'a « lâchée », Diane de Beauvau-Craon a en effet bien mérité de se reposer - même si elle envisage, pour août de cette année, une virée en Arctique − dans son somptueux appartement de Chiaia dont la vue imprenable sur le golfe de Naples et le Vésuve était la condition sine qua non lorsqu'elle s'est installée dans cette ville sublime et canaille, qui fait peur aux touristes et aux non-initiés, même italiens.
Et comme elle doit avoir maintenant quelque loisir, elle a entrepris, semble-t-il, à la demande de son fils Yunès (alias Cookye), de rassembler ses souvenirs, de raconter sa vie sans fard, en citant tous les noms des protagonistes, y compris ceux de ses nombreux amants, Oliver Stone, Pierre Maraval (son grand amour, qui fut aussi l'un de ses maris), Ahmed, le père de Yunès, Jacques de Bascher, l'ami de Karl Lagerfeld, mort du sida en 1989, Jean-Jacques Debout, ou encore, rencontré à New York, le bassiste d'Eric Clapton, dont elle ne se rappelle même plus le nom. Trop défoncée à l'alcool et à la cocaïne. La drogue l'a accompagnée depuis ses treize ans, quand elle a découvert par hasard le trichloréthylène ! L'un des épisodes de ce qu'elle appelle « une enfance surréaliste ».
Car cette descendante d'une des plus grandes familles aristocratiques d'Europe, fille de Marc de Beauvau-Craon, septième prince de Beauvau du Saint Empire, gaulliste historique, et d'une mère dont elle parle peu, détestée mais héritière du richissime Patino, industriel latino-américain, a été élevée dans un cocon d'un luxe inouï, qu'elle s'est empressée de briser et fuir à la première occasion. Rebelle, destroy, punk, libertaire, elle a vécu le New York jet-set des seventies, de la Factory d'Andy Warhol (qui l'a peinte en couverture d'Interview) à Robert Mapplethorpe (qui l'a photographiée) ou aux Jagger, entre autres, dont elle fut l'amie. Elle a mis sa vie en danger, été kidnappée contre rançon à New York, sauvagement cambriolée à Paris (pour ses somptueux bijoux, qu'elle portait de façon ostentatoire), défié la morale et toutes les conventions, commis toutes les transgressions (se convertir à l'islam, par exemple, pour épouser Ahmed, un berbère marocain avec qui elle a eu son fils), choqué sa famille qui l'a parfois reniée. De son côté, elle a fait sienne la devise familiale, « sans départir », c'est-à-dire sans renoncer à son bien le plus cher, la liberté.
Elle n'a pas, en revanche, créé grand-chose, à peine une éphémère maison de haute couture. Mais son œuvre, c'est sa vie, et quel roman cela fait !
Sans départir
Grasset
Tirage: 6 200 ex.
Prix: 22 € ; 320 p.
ISBN: 9782246863410