10 janvier > Premier roman Belgique > Sébastien Ministru

Le lien père-fils se déploie parfois suivant des ramifications inattendues. Antoine ne tient pas à s’épancher sur le sujet, si ce n’est que son miroir lui renvoie l’image de celui qui lui a donné la vie. "J’ai tout fait pour me détourner de mon père, mais il est arrimé à mon corps." Un constat glaçant, à 60 ans. Le narrateur incarne la réussite. Une carrière brillante dans la presse et un amour durable avec Alex. Ils forment "un duo de messieurs taiseux", appréciant une stabilité, dépourvue de sexe. N’est-ce pas le signe que "notre couple [est] englué dans l’ignominie de l’ordinaire" ?

Cette fissure le renvoie à son corps, qui ressemble tant à celui de son père vieillissant. Pourquoi a-t-il délaissé cet homme ? En quoi la mort de sa mère a-t-elle creusé un fossé entre eux ? "Les souvenirs du temps où elle était vivante étaient distordus, comme la tôle froissée d’une voiture après un accident." Aujourd’hui, la figure paternelle a pris un coup. L’ancien berger sarde avoue soudain qu’il rêve enfin de vaincre son analphabétisme. "Au moins pour savoir écrire mon nom. Peut-être que lire, ça fait mourir moins vite."

Sidéré, Antoine y voit une dernière chance de se rapprocher de lui. "Personne ne m’avait prévenu que je serais un fils indigne si j’abandonnais mon père à son ignorance." Une expérience qui va les chambouler et arracher les masques de l’indifférence.

En Belgique, Sébastien Ministru est connu pour ses articles, ses chroniques radio ou son travail de dramaturge, à l’humour mordant. Il signe, ici, un premier roman étonnant sur la maladresse des hommes quant à l’expression de leurs émotions. Kerenn Elkaïm

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