Il y a déjà plusieurs années, le Front national, lorsqu’il avait gagné quelques mairies du Sud de la France, s’était lancé dans une croisade contre certains livres proposés dans les bibliothèques publiques. C’est aujourd’hui au tour de Jean-François Copé - qui n’a de littéraire que la consonance de son patronyme, de vouloir jeter Tous à poil ! dans un autodafé médiatique.
Il faut l’inciter à lire plus – l’effet de la lecture sur les cerveaux les plus faibles est prouvé depuis de siècles -, en et particulier la loi du 16 juillet 1949 qui préside toujours aux destinées des livres pour enfants, notamment lorsqu’ils sont susceptibles d’être proposés par des bibliothèques.
La loi du 16 juillet 1949 a été spécialement conçue pour traiter des publications destinées à la jeunesse.
Son article premier dispose que « sont assujetties aux prescriptions de la présente loi toutes les publications, périodiques ou non, qui par leur caractère, leur présentation ou leur objet, apparaissent comme principalement destinées aux enfants et aux adolescents. Sont toutefois exceptées les publications officielles et les publications scolaires soumises au contrôle du ministre de l’Éducation nationale ».
Ce régime a été modifié en de nombreux points par une loi du 17 mai 2011, qui a notamment adjoint à la liste des ouvrages visés « tous les supports et produits complémentaires qui leur sont directement associés ».
Ainsi, auparavant, la loi disposait que « les publications (…) ne doivent comporter aucune illustration, aucun récit, aucune chronique, aucune rubrique, aucune insertion présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche ou tous actes qualifiés crimes ou délits ou de nature à démoraliser l'enfance ou la jeunesse, ou à inspirer ou entretenir des préjugés ethniques. »
À présent, ont été gommées la plupart des notions désuètes (la paresse…). Ce qui ne rend pas le régime juridique particulièrement laxiste.
Deux types de contraintes pèsent sur l’ensemble de ces publications.
Il s’agit tout d’abord d’une véritable forme de censure. Ainsi, selon l’article 2, réformé en 2011, les publications visées ne doivent pas comporter de contenus « présentant un danger pour la jeunesse en raison de leur caractère pornographique ou lorsqu'il est susceptible d'inciter à la discrimination ou à la haine contre une personne déterminée ou un groupe de personnes, aux atteintes à la dignité humaine, à l'usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants ou de substances psychotropes, à la violence ou à tous actes qualifiés de crimes ou de délits ou de nature à nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral de l'enfance ou la jeunesse. »
Aux termes de cet article, ce ne sont donc pas les thèmes en tant que tels qui sont prohibés, mais leur présentation sous un certain angle.
L’article 13 de la même loi interdit bien évidemment l’importation de publications en contradiction avec l’article 2 et l’exportation de semblables publications qui auraient été éditées en France… Et l’article précise in fine: « L’importation pour la vente ou la distribution gratuite en France de publications étrangères destinées à la jeunesse est subordonnée à l’autorisation du ministre chargé de l’information, prise sur avis favorable de la commission chargée de la surveillance et du contrôle des publications destinées à l’enfance et à l’adolescence. »
Cette fameuse commission chargée de la surveillance et du contrôle des publications destinées à l’enfance et à l’adolescence signale également les infractions, propose des mesures de répression, etc. Elle a été l’objet de modifications par l’effet de la loi de 2011.
Le représentant du ministre de la santé publique a disparu, ainsi que celui du secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargé de l'information.
???Les représentants des éditeurs de publications destinées à la jeunesse ne sont plus que deux au lieu de trois. Idem pour ceux des éditeurs de publications autres que celles destinées à la jeunesse. Même réduction pour les représentants des dessinateurs et auteurs, désignés par leurs organisations syndicales. Ceux des mouvements ou organisations de jeunesse (désignés sur proposition de leurs fédérations, par le Conseil supérieur de l'éducation nationale) sont réduits de quatre à un délégué. Les parents passent de deux à un. Les quatre parlementaires sont éradiqués et la magistrature ne conserve qu’un membre sur deux.
En revanche, la commission ??« comprend, en outre, avec voix consultatives, le Défenseur des droits ou son adjoint Défenseur des enfants, le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel et le président de la commission de classification des œuvres cinématographiques du Centre national du cinéma et de l'image animée, ou leurs représentants respectifs. »
Rappelons enfin qu’un régime particulier de dépôt est prévu à l’article 6, alinéa 1 de la loi : « Le directeur ou l’éditeur de toute publication visée à l’article premier est tenu de déposer gratuitement au ministère de la Justice, pour la commission de contrôle, cinq exemplaires de chaque livraison ou volume de cette publication dès sa parution, sans préjudice des dispositions concernant le dépôt légal. »
Il est donc singulier que Tous à poil !, sorti il y a bientôt quatre ans aux éditons du Rouergue, ,n’ai pas subi les ordres de la commission de contrôle, qui est d’ailleurs resté bien muette au plus fort de cette polémique d’un autre âge.