La guerre a souvent été auréolée de gloire et d'aventures, mais sur le terrain c'est une autre histoire. Shelby Foote s'en empare sans fioritures, juste en restituant les voix de ceux qui l'ont vécue. Ce sismographe de l'histoire américaine n'est pas reconnu à sa juste mesure en France. Il a certes déjà été publié par Gallimard ou Denoël (Tourbillon, Folio, 2006, ou L'amour en saison sèche), mais Rivages tient à le remettre au goût du jour. Son ouvrage majeur, The civil war (La guerre civile), est un pavé de 3 000 pages, restituant la guerre de Sécession. Il manquait cependant le volet humain, celui qui rend vraiment compte de la scission intérieure endurée par les soldats.
Disparu en 2005, l'auteur a lui-même été enrôlé comme capitaine d'artillerie, lors de la Seconde Guerre mondiale. Une expérience qui a sûrement nourri ce roman, bien que Foote se soit surtout inspiré de témoignages, de biographies ou de documents d'époque. « Chacun de nous avait son histoire, et chacune de ses histoires était remplie d'accidents. » Il y a d'abord le choc. Celui d'être propulsé dans une réalité à laquelle nul n'est préparé. « Il est rare de voir la guerre comme un civil se l'imagine, mais c'était notre cas à présent », déclare l'un des membres du 23e régiment de l'Indiana. La peur, le désarroi, l'impuissance, l'omniprésence de la mort. Qui s'attendait à cela ?
On leur avait promis une aventure virile ou une leçon de courage, au nom du patriotisme et de la fin de l'esclavage, il n'en est rien. « Nos visages étaient gris, gris comme la cendre. » Souvent l'horreur dépasse l'entendement. Certains désertent, d'autres persévèrent malgré tout, le sens du devoir ou le désespoir l'emportent. Shelby Foote amoureux de Proust, a le sens du détail. Son roman se focalise sur la bataille de Shiloh. Ce lieu hautement symbolique incarne au départ la paix puisqu'il est construit autour d'une « chapelle, une cabane en rondins ». Elle se transforme en QG militaire. S'il met en scène des figures phares, comme le général Johnston, la plupart sont des anonymes. « Ils sont morts pour rien. Convaincus de se battre pour une nation nouvelle, ils se croyaient promis à entrer dans l'Histoire », pas dans un cimetière monumental.
Shiloh - Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Olivier Deparis
Rivages
Tirage: 4 500 EX.
Prix: 20 euros ; 200 p.
ISBN: 9782743646240