On ignore si Max Férandon, Creusois installé au Québec, a aussi bourlingué en Chine, ou si Monsieur Ho est le pur fruit de son imagination, appuyée sur une solide documentation géopolitique.
Monsieur Ho, 53 ans, le héros de Férandon, est un fonctionnaire chinois modèle : modeste, honnête, sérieux. Il occupe à Pékin le poste de directeur de la Commission du recensement au ministère des Affaires sociales, laquelle n'emploie pas moins de deux millions de fonctionnaires ! C'est une sorte de prouesse, fruit de trente ans "d'ascension horizontale", pour quelqu'un dont les parents, des intellectuels bourgeois, ont été "redressés" puis assassinés par de jeunes gardes rouges durant la Révolution culturelle. Monsieur Ho a envoyé sa fille, Lim Na, étudier deux ans à la Sorbonne. Quant à lui, sa devise est "rester neutre". Question de survie.
Mais voilà que le Parti communiste chinois a décidé de réaliser un nouveau recensement, éminemment politique. Il s'agit de montrer la cohésion d'un empire du Milieu disparate et de plus en plus la proie de tensions ethniques, ainsi que de surveiller la population. Monsieur Ho est envoyé sur le terrain, à bord du propre train qui fut autrefois celui du camarade Deng Xiaoping.
Mais M. Deng est mort en 1997, et son train est un peu cacochyme. Pourtant il roule, et, à son bord et à petite vitesse, Monsieur Ho va se rendre à Shanghai, où il constate le fossé entre les officiels et les ouvriers ; dans le Jiangsi, où il visite une prison pour les Migong, ces travailleurs- esclaves déplacés des campagnes pour construire les villes ; dans le Hunan, où il loge chez des paysans ruinés obligés de planter des arbres ; et pour finir, dans les plaines de Mongolie, au milieu de nulle part, où il apprendra la vérité sur les circonstances exactes de la mort de son père. Fin d'un voyage professionnel devenu initiatique.
En profonde empathie avec ses compatriotes les moins favorisés, Monsieur Ho ne se révoltera pas. Mais ses carnets témoignent de son évolution. Sa mission accomplie, on ne sait trop s'il regagnera Pékin et sa vie d'avant, ou s'il se perdra dans des steppes infinies où même le "cheval de fer" ne se hasarde pas.