Avant-critique Roman policier

Sur le ring. Impossible d'appréhender le sujet Danielle Thiéry sans revenir sur son CV de première femme commissaire divisionnaire de la police française, ni évoquer ses faits d'armes aux stups ou à la sûreté ferroviaire. Des décennies dans le dur qu'elle mettra ensuite à disposition de la sécurité de grandes entreprises publiques comme Air France ou La Poste. Autant vous dire que face aux yeux clairs de la dame, il n'est pas question de jouer au plus malin. Son sourire est pourtant conciliant mais, même à la machine à café, les vocalises mâles baissent d'un ton en sa présence. De ses annuités au service du rail, plutôt celui de la SNCF que ceux qui vous détruisent les cavités nasales, naîtront des romans punchy lorsqu'elle décidera au mitan des années 1990 de se mettre à l'écrit et à une fiction qui de fait ne l'est pas tant. Logiquement, ses livres au plus près du terrain muteront en de très recommandables séries télévisées. La petite fille de Marie Gare (Robert Laffont, 1997) deviendra Quai n°1 (avec Sophie Duez et Olivier Marchal dans les rôles principaux) et les aventures de la commissaire Edwige Marion seront transcrites dans la série Marion pour la chaîne 13ème Rue.

Après Marie et Edwige, voici aujourd'hui Diane : une autre Danielle sans le moindre doute, presque une apocope d'ailleurs. Diane aussi fut flic, jadis, et autrice à succès désormais. Elle revient dans le village bourguignon de ses aïeuls pour enterrer son père sous ce limon hostile où toute forme de réussite « à la ville » tient lieu de haute trahison. Elle connaît la lourde hérédité familiale d'un père né d'un soldat américain de passage. Mais rien n'annonçait pour autant le meurtre de Gaston, le cousin crétin, ni surtout qu'une petite fille trouverait refuge entre les sièges de sa rutilante voiture allemande et citadine, c'est le cas de le dire. Bravant son caractère strict et raisonnable, Diane rallie Paris en compagnie de la gamine quasi mutique. Pas à pas, elle en apprend le prénom, Hanna, et les origines new-yorkaises. Une énigmatique parentèle se dessine, soulignée par les étranges attitudes de boxeuse de l'enfant, un sport que le père de Diane pratiquait en amateur durant ses jeunes années. Le mystère s'étoffe et le savoir-faire de Danielle Thiéry opère. Des interventions d'Alexis, le pote de la Police de l'air et des frontières, aux réflexes estampillés « 36, quai des Orfèvres » de Diane, la crédibilité du traitement ne fait aucun doute. L'histoire, aussi enlevée et échevelée soit-elle, s'en trouve bien charpentée et concevable. Notons également qu'avec le personnage d'Hanna, l'autrice retrouve l'un de ses thèmes fétiches depuis Marie Gare, l'abandon. Et c'est justement pour recoudre leur possible passé commun que Diane et Hanna traversent l'Atlantique, fonçant têtes baissées dans la gueule du loup, vers les rings du Madison Square Garden et les silences pendables de Little Italy, vers des révélations et sidérations du même acabit. Le piège nous happe et la survie d'Hanna vacille de maux hématologiques en héritages mafieux, soit une guirlande de virus hélas transmissibles de génération en génération. L'avenir de la fillette est fragile mais, racontée par Danielle Thiéry, son histoire est solide.

Danielle Thiéry
Beback
Rivages
Tirage: 3 500 ex.
Prix: 21 € ; 416 p.
ISBN: 9782743667108

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