Joyce Maynard a longtemps puisé dans son vécu la matière première de ses romans, jusqu'à ce que L'hôtel des oiseaux (Philippe Rey, 2023) lui révèle que ses livres pouvaient en retour inspirer son existence. Dans ce roman, elle se glissait dans la peau d'Amelia. Cette artiste éprouvée par un drame avait trouvé refuge au bord d'un lac d'Amérique centrale où elle avait décidé de s'investir dans la rénovation d'un hôtel. Un récit né de la rencontre entre l'écrivaine et le lac Atitlán, au Guatemala, paradis terrestre avec lequel elle se lie en 2001. Au Guatemala, Joyce Maynard a ensuite ouvert un hôtel et créé un atelier d'écriture « pour aider des femmes ordinaires, pas des écrivaines, à raconter leur vie », expliquait-elle à Livres Hebdo en 2023.
« Très vite dans ma vie il a été trop tard, écrit Marguerite Duras dans L'amant. À dix-huit ans il était déjà trop tard. [...] À dix-huit ans j'ai vieilli. » Ces mots, Joyce Maynard aurait pu les faire siens. En 1972, alors qu'elle est étudiante à Yale, elle publie dans le New York Times un article intitulé « Une fille de 18 ans se retourne sur sa vie », dans lequel elle témoigne de son « grand sentiment de lassitude et d'aliénation » et de ce que cela signifie de grandir aux États-Unis dans les années 1960. L'article est remarqué, sa signataire reçoit des lettres par centaines, dont une signée J.D. Salinger. « Les mots de Jerry Salinger ont constitué la racine de l'attachement fort et durable que j'ai éprouvé pour lui et m'ont hantée longtemps après qu'il fut sorti de ma vie », confiait-elle en avant-propos de sa remarquable autobiographie Et devant moi, le monde (Philippe Rey, 2010). Fascinée par l'auteur du cultissime L'attrape-coeurs, la jeune femme abandonne ses études et s'installe à Cornish, dans le New Hampshire, où Salinger vit retiré du monde. De trente-cinq ans son aîné, il l'isole bientôt de ses proches, la soumet à un régime ascétique, avant de mettre fin à leur relation. Une histoire dévastatrice, au sortir d'une adolescence marquée par un père alcoolique et une mère abusive, sur laquelle Joyce Maynard revient dans l'autobiographie susmentionnée, qui fit scandale lors de sa parution en 1998 aux États-Unis, où l'on ne déboulonne pas impunément une idole des lettres.
Depuis, l'écrivaine a bâti une œuvre reconnue. Très appréciés du lectorat français, ses romans relient la trajectoire de leurs personnages à l'évolution de la société américaine. En 2021, Où vivaient les gens heureux (Philippe Rey, 2021) traitait ainsi de libération sexuelle, d'avortement et d'émancipation féminine, à travers le destin d'Eleanor et de sa famille, des seventies à nos jours. En écho, dans cette suite attendue, Par où entre la lumière, Eleanor réalise tout ce qu'elle a sacrifié pour sa famille. À 54 ans, elle revient dans sa maison du New Hampshire pour s'occuper de son fils, qui souffre des séquelles d'un accident qu'il a eu, enfant. Elle essaie de renouer le dialogue avec sa fille, qui lui refuse la présence de ses deux petits-enfants. Porté par une héroïne ayant, sa vie durant, fait de mauvais choix pour de bonnes raisons, Par où entre la lumière approfondit le lien existant entre Eleanor et les lecteurs de Joyce Maynard, et instaure entre l'écrivaine, son héroïne et son lecteur un moment suspendu et plein de grâce, où la fiction enrichit le réel de l'expérience vécue.
Par où entre la lumière
Philippe Rey
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Florence Lévy-Paoloni
Tirage: 20 000 ex.
Prix: 24 € ; NC
ISBN: 9782384822522