Livio est un adolescent d'aujourd'hui, vit dans une banlieue de Lyon, avec sa famille d'origine italienne, les Caproni, père contremaître dans le BTP, mère commerçante, qui ne se parlent guère, voire pas. Livio a 17 ans, c'est un très bon élève, désinvolte, élégant, musicien, mais qui souffre de solitude, et n'ose partager avec personne le secret qui le taraude depuis déjà longtemps : il est homosexuel. Même sa meilleure amie au lycée, Camille, sa confidente, n'est pas au courant, ou bien alors, comme elle est amoureuse de lui, préfère-t-elle ne pas aller voir derrière les apparences. Et puis un jour, avec l'audace folle des timides quand ils se lâchent, Livio décide de franchir le pas à sa manière, avec panache, et devant tout le monde : il se porte volontaire pour un exposé, en cours d'histoire, sur les autodafés et les persécutions dont a été victime Magnus Hirschfeld (1868-1935), surnommé « l'Einstein du sexe », le pionnier de la sexologie, qui, dès 1898, avait entamé un long combat contre l'article 175 du Code pénal allemand, qui criminalisait et pénalisait l'homosexualité, puis, en 1919, reprend la notion de « troisième sexe ». Il avait créé à Berlin un Institut qui fut durant des années le premier centre d'études de l'homosexualité, et aussi un lieu de rencontres, avec sa bibliothèque de plus de 20 000 volumes et 35 000 photographies. Mais la tolérance de la République de Weimar fut vite mise au pas dès l'arrivée au pouvoir d'Hitler, en 1933. Et Hirschfeld, médecin juif et homosexuel, « dégénéré », devint l'une des têtes de Turc des nazis, en dépit des protestations de toute l'intelligentsia de l'époque : Rilke, Thomas Mann, Tolstoï, Zweig... Dès 1933, la bibliothèque de l'Institut fut brûlée, et ses cadres arrêtés, déportés dans les camps, comme le furent 50 000 autres « triangles roses ». Hirschfeld, lui, s'était réfugié en France, où il mourut, à Nice.
La passion brûlante que met Livio à raconter cette histoire à son professeur et à ses camarades, les nombreuses digressions qu'il y glisse, notamment sur les discriminations envers les gays, et pas seulement dans l'Allemagne nazie (« Là où l'on brûle des livres, on finit par brûler des hommes », disait Heinrich Heine), finissent par dessiller les yeux. Madame Martel, gênée, se réfugie dans une attitude très professionnelle, Camille, choquée, se considère comme une « femme trompée », vexée, non pas tant que son amour lui soit inaccessible, mais de n'avoir pas été mise dans son secret. Quant aux autres, soit ils se montrent indifférents, soit menaçants, comme Arthur, l'homophobe de base prêt à « casser du pédé ». Livio, lui, ressent très fort le contrecoup de ce qui ressemble à un éclatantcoming out. Physiquement vidé, il est envahi d'une espèce de honte, manque tout dire à sa mère, et se sent devenu étranger à ce qui était sa vie d'avant. Il choisit de partir. Au bout de plusieurs semaines de vaines recherches, la police le portera disparu. Camille, elle, se lancera sur les traces de Hirschfeld, en guise d'hommage et de rédemption.
Jour de courage
Flammarion
Tirage: 15 000 ex.
Prix: 17 euros ; 158 p.
ISBN: 9782081469778