Il a côtoyé les grands du 9ᵉ art franco-belge jusqu'à leur devenir indispensable. Le scénariste de bande dessinée Bob de Groot est mort vendredi 17 novembre à Ottignies, en Belgique. Il avait 87 ans.
L'amour de la BD remonte à loin pour ce natif de Bruxelles. Dès 1962, il a signé son premier mini-récit dans Spirou, alors qu'il venait de finir ses études. D'abord dessinateur, il finit par passer au scénario. Les titres auxquels il contribua sont multiples et célèbres : la revue Tintin avec les aventures de Robin Dubois en collaboration avec Turk, trois épisodes de Lucky Luke : Le Bandit manchot, Rantanplan ou encore Léonard, dont il écrivit le 46ᵉ tome en 2015. Il devint également rédacteur en chef d'un média comique, L'Œuf, où il contribua à révéler un jeune Philippe Geluck.
« Il laisse derrière lui une œuvre pléthorique à la mesure de son infatigable envie d'écrire », résument les éditions du Lombard dans un communiqué de presse. Le scénariste était pour Le Lombard un partenaire de longue date, entré dans la maison dans les années 60 après sa rencontre avec le Studio Greg (voir la biographie complète transmise par Le Lombard).
Communiqué des éditions du Lombard :
« Dès l’enfance, ce natif de Bruxelles n’est intéressé que par une seule chose : la bande dessinée. Délaissant les cours dès que possible pour s’adonner à sa passion – quand bien même il s’agit dans un premier temps d’organiser les jeux de plage du journal Spirou. À croire qu’offrir rires et évasion aux enfants était une seconde nature chez Bob de Groot.
Bien vite, il rejoint l’équipe du studio de dessins de l’éditeur de Marcinelle. Déjà prolifique, il publie son premier mini-récit dans Spirou en 1962, et place ici ou là dessins, strips et pages dans les quotidiens belges. Il attire l’attention de Maurice Tilleux, dont il devient un des assistants. Car s’il est doué d’une inventivité personnelle bouillonnante, Bob de Groot n’a pas non plus son pareil pour se glisser dans l’univers des autres, surtout s’il s’agit de leur écrire un gag désopilant
dont il signe le story-board – habitude qu’il conservera toujours. C’est ainsi qu’il fait la connaissance de Philippe Liégeois, alias Turk. Tous deux sont alors auteurs complets mais l’un peine sur les scénarios et l’autre commence à vivre le dessin comme une limitation à son envie d’écrire toujours plus. La solution est toute trouvée, d’autant qu’ils partagent un goût certain pour l’absurde, les jeux de mots et le comique visuel à la Tex Avery. C’est le début d’une belle amitié, selon la formule consacrée.
Les deux compères tapent un jour à la porte du Studio Greg. Rencontre déterminante s’il en fut : le créateur d’Achille Talon les prend sous son aile, négociant leurs premiers contrats avec Le Lombard, corrigeant les planches du jeune scénariste, jusqu’au jour où il n’a plus d’amélioration à lui suggérer. Ensemble, de Groot et Turk feront les riches heures du journal Tintin version Greg (lequel en prend la direction en 1965). Ils y créent Robin Dubois, qui leur vaudra souvent les honneurs des lecteurs, par l’entremise du référendum. C’est dans l’une des pages de cette série phare que, en 1974, de Groot a l’idée d’un vieil inventeur – Léonard – qui vient d’inventer le parcmètre. Comme Greg lance Achille Talon Magazine, il leur demande de développer le concept qui, selon lui, se prêterait bien à une série comique. Une idée de génie : Léonard est né. Le reste appartient à l’Histoire, et dans le gag de Robin Dubois, le vieil inventeur s’appellera Mathusalem.
Mais il serait dommage de réduire Bob de Groot à ses héros les plus célèbres. Ce serait oublier qu’il fut l’illustrateur d’une série de Fred. Que, sur le conseil de Jean Van Hamme, il s’aventura sur les rives du récit réaliste en écrivant pour Philippe Francq le sombre et touchant Des villes et des femmes. Qu’à l’instar de son mentor Greg, il fut rédacteur en chef d’un magazine, L’œuf, où il fut le premier à croire en un humoriste débutant nommé Philippe Geluck. Qu’il sut avec succès se glisser dans les pas de Goscinny, Franquin ou Macherot pour écrire Lucky Luke, Modeste et Pompon ou Clifton. Qu’il fut directeur littéraire du groupe Alpen, où il révéla entre autres Jean-François Di Giorgio et André Taymans. Ou bien encore qu’il fût le scénariste, pour Jacques Landrain, de Digitaline, le premier album réalisé en numérique de l’histoire de la bande dessinée. Un comble pour ce scénariste qui n’écrivit qu’une seule planche sur un ordinateur, préférant inlassablement réaliser ses storyboards depuis le relais routier d’une station-service « où on [le] connaissait et on [le] laissait tranquille. »
C’est depuis ce décor incongru qu’au fil de milliers de planches, il inscrivit son nom au Panthéon du 9e Art. Il ne le délaissa qu’en 2015, pour se consacrer à sa famille – en premier lieu sa femme Anne-Marie, dont il fit la connaissance aux Éditions du Lombard. Elle en fut en effet l’attachée de presse émérite durant quatre décennies. En ce triste jour, nos pensées l’accompagnent tout particulièrement, ainsi que leurs filles Régine et Joëlle. »