Justice

Au procès "Richie", vie privée contre intérêt général

Raphaëlle Bacqué. - Photo Annie Assouline

Au procès "Richie", vie privée contre intérêt général

L'assignation en référé par le banquier Emmanuel Goldstein de Raphaëlle Bacqué et de Grasset pour Richie, portrait de l'ex-directeur de Sciences Po Paris Richard Descoings, publié en avril et portant selon lui atteinte à sa vie privée, a été examinée en audience mardi 8 septembre. La juge a fixé le délibéré au 25 septembre.

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Par Marine Durand,
Créé le 08.09.2015 à 20h10 ,
Mis à jour le 09.09.2015 à 15h44

Mardi 8 septembre s'est tenue devant la 5e chambre du Tribunal de grande instance de Paris l'audience de référé dans la procédure opposant le banquier Emmanuel Goldstein à Raphaëlle Bacqué et aux éditions Grasset. Le 6 août, Emmanuel Goldstein a assigné la journaliste du Monde ainsi que son éditeur pour Richie, portrait du flamboyant Richard Descoings, ex-directeur de Sciences Po Paris décédé à New York le 3 avril 2012, et dont il était un proche.

Considérant que ce document, publié le 15 avril et vendu à plus de 75000 exemplaires selon GFK, porte atteinte à sa vie privée en divulguant notamment "son orientation sexuelle" et "son appartenance à la franc-maçonnerie", Emmanuel Goldstein réclame 125000 euros en réparation du préjudice subi à Raphaëlle Bacqué et Grasset, ainsi que la suppression de trois passages à l'intérieur des ouvrages actuellement en librairie et des rééditions futures.

Pas notoirement homosexuel

Alors qu'Emmanuel Goldstein, représenté par Me Emmanuel Pierrat, était absent de l'audience, Raphaëlle Bacqué et Olivier Nora, le président de Grasset, défendus par Me Laurent Merlet, avaient fait le déplacement, chose plutôt rare dans ce type de procédure.

Qualifiant dans sa plaidoirie Richie de "livre fondé sur la rumeur", "s'intéressant aux vies privées", Me Pierrat a indiqué que son client n'avait pas à "apparaître nommément, en sa qualité d'homosexuel présumé et de franc-maçon présumé" dans l'ouvrage de Raphaëlle Bacqué, arguant que de telles révélations avaient porté préjudice à son client, amené à se déplacer dans le cadre de son travail dans des pays peu tolérants.

Contestant l'affirmation selon laquelle ce proche de Richard Descoings avait été "président de l'association des étudiants gays de France", Me Pierrat a expliqué qu'il avait participé à un mouvement à l'époque non militant ayant pour simple objectif l'organisation de rencontres intellectuelles.

Evoquant ensuite l'appartenance à la franc-maçonnerie de son client, dévoilée dans Richie, Emmanuel Pierrat a tenté de démontrer qu'elle ne pouvait être justifiée par l'intérêt général, Emmanuel Goldstein n'exerçant aucune fonction politique ou publique en France.

Information d'intérêt général

Avocat de Raphaëlle Bacqué et Grasset, Me Laurent Merlet s'est lui attaché à démontrer le caractère "public et notoire de l'orientation sexuelle d'Emmanuel Goldstein", ce dernier l'ayant lui-même évoqué au cours d'un dîner avec la journaliste.

Rappelant que l'auteure avait consacré 16 mois à son enquête et longuement interviewé Emmanuel Goldstein en tant que proche de Richard Descoings, l'avocat a produit devant la juge deux SMS adressés par Raphaëlle Bacqué au banquier de Morgan Stanley concernant son appartenance maçonnique. Me Merlet a également souligné que ce dernier n'avait jamais demandé à ne pas apparaître dans le livre.

L'avocat a ensuite mis en avant l'importance du réseau maçonnique dans la carrière de Richard Descoings et dans la mise en place de l'une des principales réformes de Sciences Po, l'ouverture de l'école à des étudiants issus de quartiers défavorisés, plaçant dès lors les révélations sur Emmanuel Goldstein dans le cadre d'une information d'intérêt général.

Prenant la parole à l'issue des plaidoiries, Raphaëlle Bacqué a de son côté rappelé sa grande surprise en recevant l'assignation, expliquant qu'il n'y avait "aucune forme de dénonciation ou de mise en danger" d'Emmanuel Goldstein dans son ouvrage, mais que sans être le personnage principal du livre il avait à y figurer.

Le jugement a été mis en délibéré au 25 septembre à 15h.

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