Le plan de communication pour l’annonce de la création du groupe Les Nouveaux Éditeurs a été savamment orchestré avant d’être quelque peu bousculé par l’actualité politique.
Ce jeudi 13 juin, au lendemain de l’envoi d’un communiqué de presse à l’AFP et de la mise en ligne du site Internet de la marque, Arnaud Nourry devait s’afficher dans Le Monde après avoir été l’invité de Sonia Devillers, en direct sur France Inter. Ce dernier rendez-vous a été annulé, actualité politique oblige donc, et le timing d’annonce interpelle déjà bien au-delà de l’aspect de la communication. « Nous ne sommes pas là pour faire un coup de communication, mais juste pour dire qu'on existe », relativise auprès de Livres Hebdo Ronald Blunden, associé dans l'aventure et ancien directeur de la communication d'Hachette.
« 5 à 10 millions d’euros » pour « deux à trois ans » d’activité
« Le financier est d’abord attentiste », philosophe pourtant le banquier d’affaires Jean-Clément Texier qui s’interroge sur le bon sens de cette officialisation à un moment « où l’on ne sait pas où l’on va politiquement et économiquement ». Selon lui, les incertitudes politiques et leurs conséquences économiques depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, ne jouent pas en faveur de mouvements. Difficile dans ce contexte d'imaginer attirer des investisseurs ou des talents déjà installés ailleurs.
Qu'à cela ne tienne, l’excitation et la hâte d’Arnaud Nourry à revenir dans le jeu de l’édition semblent avoir eu raison des atermoiements des responsables politiques français. Au Monde, l’entretien a été préparé avant l’annonce présidentielle, comme en atteste la date du portrait réalisé pour cette occasion, le 6 juin. Cependant, le dirigeant y confie assurer financièrement « deux à trois ans » de développement avec un budget de « 5 à 10 millions d’euros ». De quoi laisser passer peut-être la crise ?
L’idée de racheter un groupe écartée
C’est que l’ancien patron d’Hachette, 63 ans, mûrit son idée « depuis près d’un an », confie Ronald Blunden, qui a déjà passé onze ans à ses côtés au sein du groupe Lagardère. Selon lui, l’ancien boss, écarté d’Hachette en 2021 avec une clause de non-concurrence de trois ans, a d’abord « souhaité se concentrer sur d’autres activités », notamment en donnant quelques cours à Sciences Po et en suivant des cours d’histoire de l’art à l'université, entre autres activités de conseils plus ou moins bénévoles auprès de startups évoluant dans d’autres univers.
« Une envie s’est manifestée il y a environ un an et s’est renforcée en voyant la situation de l’édition en France », poursuit Ronald Blunden. Dans Le Monde, Arnaud Nourry évoque « un concours de circonstances qui rend possible la création d’un nouveau groupe disruptif ». Selon son communicant, très vite, l’idée de racheter un groupe a été écartée. « Cela ressemblerait trop à ce qu’il faisait avant avec un travail de management et de restructuration pas très agréable », précise-t-il.
Son idée se rapproche plutôt d’un incubateur de startups, avec un groupe qui accueillerait des éditeurs expérimentés désireux de monter leur société. « Ils apporteraient leur savoir-faire, leurs auteurs, leurs énergies, et Arnaud apporterait les fonds, les fonctions supports, etc., en leur donnant une part non négligeable du capital de leur entreprise ». Le schéma, emprunté à l’industrie de la musique et de l’audiovisuel, est « un moyen de payer moins cher ses éditeurs », rétorque l’un d’entre eux, assez circonspect face au projet.
« Au cœur du quartier qui va bien »
Arnaud Nourry n’a pas attendu la fin de sa clause de non-concurrence pour discuter du projet, en toute légalité, avec le monde de l’édition. « Il ne pouvait pas créer d’entreprise, mais réfléchir à l’avenir oui, et cela s’est répandu », explique Ronald Blunden… L’article de La Lettre, début avril, colportant l’ambition d’Arnaud Nourry, « a accéléré les choses… ».
En mai, ce dernier a finalisé un premier tour de table avec « des amis d’horizons différents mais clés pour ce qu’il voulait faire, solidaires et loyaux ». L’argent récolté, les statuts ont été déposés « il y a quelques jours » avec un pacte d’actionnaires (Arnaud Nourry a révélé au quotidien du soir détenir 51% des parts), puis un bail a été signé la semaine dernière, rue Séguier (Paris VIe), pour un appartement de bureaux occupé avant cela par un cabinet d’avocats, mitoyen des anciens locaux d’Actes Sud et Payot-Rivages, à la même adresse. « On est dans le cœur du quartier qui va bien », s’enthousiasme Ronald Blunden. Et ce n’est pas une location saisonnière. « Arnaud s’inscrit dans le temps long, assure-t-il. Et s’il ne prévoit pas de rester vingt ans en poste, il prépare déjà l’après ».
L’après, à court terme, c’est déjà la finalisation du contrat de distribution qui devrait intervenir au début de l’été, alors qu’à la fin de celui-ci sont attendues l’annonce des « premières maisons qui rejoignent le groupe ». Entre deux et quatre sont attendues d’ici la fin de l’année.