"J'ai demandé (...) l'ouverture des musées et des bibliothèques, sur inscription, avec des jauges renforcées et des protocoles rigoureux" en avouant qu'elle n'a pas été entendue par le Premier ministre Jean Castex. "J'utiliserai tous les moyens de persuasion pour rendre la culture accessible" affirme la maire de Paris, regrettant le manque de dialogue avec le gouvernement.
Les maires se rebellent
"Avec d’autres villes, nous allons prendre une initiative commune, comme l'a fait Dijon, pour autoriser la réouverture des librairies indépendantes", ajoute-t-elle (voir encadré à la fin de l'article). A Dijon, François Rebsamen, pourtant proche du gouvernement, a déclaré sur France Inter: "je ne veux pas la mort des librairies, or je suis persuadé que vu la période de fermeture, aujourd'hui c'est la plateforme Amazon qui va en profiter. Et les librairies vont être confrontées à des difficultés majeures, voire sont menacées de mort. Pour moi, c'est simple : c'est un commerce essentiel ! Et c'est cela la différence que j'ai avec le gouvernement."
Le maire de la capitale de la Bourgogne fait de la librairie une exception : "C'est autre chose, une librairie ! C'est pas uniquement une commande à un vendeur de livres. Un libraire, c'est quelqu'un qui sait vous parler des livres, une librairie c'est une rencontre avec les livres. Moi, je suis très inquiet et je demande une exception." Plusieurs maires de villes petites et moyennes (Perpignan, Brive, Beaune, Valence, Chalon-sur-Saône, Romans-sur-Isère, Colmar etc.) ont pris des arrêtés autorisant l'ouverture des commerces non alimentaires, dont les librairies, sur leur commune, dénonçant l'"inégalité" de traitement face à la grande distribution et à la vente en ligne. Lors du débat au Sénat, plusieurs sénateurs ont rappelé au gouvernement l'incohérence produite par la fermeture de certains commerces de proximité, tuant une fois de plus les centres-villes.
Inégalités
Cependant les arrêtés municipaux ne sont pas valables juridiquement comme cela a été confirmé par plusieurs décisions du Conseil d'Etat sur des mesures sanitaires contestées par les municipalités. La loi n’assigne aucun rôle particulier au maire en cas d’état d’urgence, ce qui est le cas jusqu'au 31 janvier et le ministre de l’Intérieur et les préfets disposent eux de prérogatives supplémentaires rappelle l'Association des maires de France.
Christophe Bouillon, maire de Barentin (Seine-Martitime), a annoncé qu'il allait "écrire au Premier Ministre pour lui demander de revoir sa copie concernant les commerçants et les artisans de nos communes. Il y a clairement une inégalité de traitement par rapport aux grandes surfaces. Prendre des arrêtés municipaux pour autoriser l’ouverture du petit commerce étant illégal et voué à l’échec, je préfère faire pression auprès du gouvernement pour qu’il fasse machine arrière. Si plusieurs milliers de communes en France font de même, cela pourra peut-être porter ses fruits. Je sais aussi que les unions commerciales se mobilisent également."
Des associations d'élus comme l'Association des maires de France (AMF) ont également plaidé pour la réouverture de ces commerces de proximité, et l'UDI a encouragé ses maires à prendre des arrêtés en ce sens. La chef de file de l'opposition LR à Paris Rachida Dati a également plaidé samedi, sur Facebook, pour la réouverture des librairies et l'accès à la culture, qui est selon elle "un enjeu de lutte contre le séparatisme". "J'ai grandi dans un milieu où la culture était considérée comme un luxe, un confort. J’ai découvert la lecture, non par mes parents – ma mère ne savait pas lire – mais par l’instituteur, par la libraire, par le bibliobus qui s’arrêtait dans la cité et était notre fenêtre sur le monde", explique la maire du VIIe arrondissement, qui ajoute: "Alors, aujourd’hui, c’est un cri de colère ! Car ceux qui considèrent les livres comme « un bien non essentiel » sont ceux qui ont naturellement accès à la culture. Privilège de classe ! Ils ont de grandes et belles bibliothèques bien fournies."
Une cinquantaine de maires en appellent au gouvernement
Plus de cinquante maires et présidents de grandes agglomérations urbaines ont signé samedi 31 octobre une lettre adressée au premier ministre, Jean Castex, pour « travailler rapidement à une solution » concernant les commerces de proximité. Cette demande vise notamment à défendre les librairies, fermées pour cause de confinement. Certains maires comme celui de Dijon, François Rebsamen, ont déjà contrevenu à la règle édictée par le gouvernement en autorisant l'ouverture locale des librairies.Publiée sur Twitter par la maire socialiste de Nantes, Johanna Rolland, la lettre affirme que « la cohésion nationale est absolument fondamentale pour la lutte contre cette pandémie » et souligne que « la mesure la moins comprise est l’inégalité de traitement entre les commerces de proximité, à l’exemple, mais il n’est pas le seul, des librairies, et les grandes surfaces commerciales ».
Outre Anne Hidalgo, le courrier a été signé par des élus de tous les bords politiques tels Mathieu Klein (Nancy), François Cuillandre (Brest), Olivier Bianchi (Clermont-Ferrand), Christian Estrosi (Nice), Arnaud Robinet (Reims), Pierre Humic (Bordeaux), Eric Piolle (Grenoble), Martine Aubry (Lille), Stéphane Le Foll (Le Mans), François Bayrou (Pau), Grégory Doucet (Lyon), Jeanne Barseghian (Strasbourg), ou encore Jean-Luc Moudenc (Toulouse).
Avec plus de 50 maires et présidents d’agglomérations de France j'adresse ce soir une lettre ouverte au Premier Ministre @jeanCASTEX pour demander, dans cette crise sanitaire, de rétablir l'équité de traitement entre commerces de proximité et grandes surfaces commerciales. pic.twitter.com/iJg6BZ9j1o
— Johanna Rolland (@Johanna_Rolland) October 31, 2020
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