Je serai un père, mon fils. Créer est une autre manière d'engendrement, on dit souvent des œuvres du poète qu'elles sont filles de son esprit. Ici, l'auteur de ces enfants de papier nous parle de vraie paternité. Naître père d'Andrés Neuman est le livre le plus personnel de l'écrivain argentin né en 1977 à Buenos Aires et vivant en Espagne depuis son adolescence et l'exil de ses parents lors de la dictature. Il n'y est plus le narrateur de fresque historique (Le voyageur du siècle, Fayard, 2011), de mise en abyme façon puzzle (Bariloche, Buchet Chastel, 2017) ou de romanesque quête mémorielle (Fracture, même éditeur, 2021).

Ici, l'écrivain virtuose salué par la revue Granta comme l'un des auteurs hispanophones les plus prometteurs de sa génération se révèle non plus comme le démiurge de modes de narration inventifs mais telle la voix nue d'un homme traversé par toutes les interrogations que pose pour lui ce nouveau statut.

Entre récit et poésie, Naître père est un journal de bord de l'aventure parentale. De l'échographie aux premiers jours dans le couffin en passant par le cri que pousse le bébé en venant au monde, Neuman dépeint chaque étape et relate en parallèle ce que de lui on avait dit aux mêmes moments. Lui n'avait pas crié, mais, comme son enfant, il était curieux de l'envers des choses quand on lui présentait un jouet... C'est « Si » de Kipling mais pas tant comme poème exhortant le fils à devenir un homme qu'une célébration de l'aube de la vie et une adresse à soi-même afin de tenir son rôle de père jusqu'au soir.