Les amours acoustiques. Né en 1982, normalien, professeur de classes préparatoires, Alexandre Postel a été salué dès ses débuts (Un homme effacé, Gallimard, 2013) par le prix Goncourt du premier roman. On l'avait laissé en 2020 avec Un automne de Flaubert, un roman à la fois érudit et facétieux, qui avait reçu le prix François-Mauriac de l'Académie française. On apprécie chez lui son éclectisme, sa fantaisie, servis par une écriture d'un classicisme impeccable. Le voici qui revient avec un roman farfelu, à triple intrigue, autour d'une éditrice, d'un auteur et de son manuscrit. Tout part de Violette Letendre, la narratrice, 35 ans, éditrice depuis un certain nombre d'années chez Monteverdi, maison prestigieuse mais en proie à des difficultés financières qui conduiront à son rachat par un grand groupe, et au rabotage de sa production éditoriale. Toute ressemblance avec la réalité... Violette rumine son dépit de ne pas avoir été nommée directrice littéraire, coiffée par le jeune, sémillant et moderne Bastien Testevuide, qui se révélera plus tard amoureux d'elle : râteau !
Violette se voit chargée du "cas" Monegal (c'est un pseudonyme), un écrivain sur le retour. Auteur autrefois de nouvelles fantastiques remarquées, il n'a plus rien donné de marquant. Jusqu'à ce projet de roman, La confession auriculaire, présenté comme le "rapport" d'un certain Victor Chantelouve à son aimée où ce dernier lui raconte sa vie, mais surtout sa perversion : depuis tout gosse, il a l'ouïe sensible, particulièrement aux orgasmes des femmes - alors qu'il est incapable de les faire jouir lui-même. Il va les traquer par les moyens les plus loufoques, allant même jusqu'à placer des micros dans les salles de bains des appartements que, devenu un temps agent immobilier, il propose à la location. Il créera un blog dédié, un site, avant de voir sa vie s'effilocher, et de finir en ermite, en tête-à-tête avec une poupée gonflable. Tout cela a un côté rétro, façon Pierre Louÿs - en moins cru. Chaque semaine, Monegal envoie un chapitre à Violette, qui réagit, le rencontre, lui fait part de ses remarques, et finit par tomber sous le charme du texte. Parviendra-t-elle pour autant à le faire publier chez Monteverdi ?
Au-delà des intrigues, Tout ouïe est une peinture tout en finesse des affres et stratagèmes de l'écriture, ainsi qu'une satire légère du milieu parisien de l'édition. Un livre composite, mais à la construction limpide, et avec des qualités littéraires évidentes. Une des bonnes surprises de cette rentrée.
Tout ouïe
Les éditions de l'Observatoire
Tirage: 7 000 ex.
Prix: 22 € ; 256 p.
ISBN: 9791032936153