Alexandre Jacob a fait l’objet de cinq biographies entre 1950 et 2012. Mais la vie de cet anarchiste-cambrioleur (1879-1954), qui conduisit à la tête d’une équipe de "travailleurs de la nuit" près de cinq cents cambriolages entre 1899 et 1905, reste mal connue. Vincent Henry (l’éditeur de La Boîte à bulles, au scénario) et Gaël Henry resituent avec brio la trajectoire de cet aventurier de la Belle Epoque qui volait pour "donner aux pauvres" et au mouvement anarchiste. Ce Robin des Bois moderne inspira à Maurice Leblanc le personnage d’Arsène Lupin. Mais il ne se réduisait pas à l’élégance morale, à l’humour et à l’éloquence de son double de papier. Alexandre Jacob était d’abord caractérisé par son enracinement social et son indéfectible engagement politique anarchiste. Le grand mérite du travail de Vincent et Gaël Henry est de faire apparaître les débats qui traversèrent le mouvement ouvrier émergeant sur les moyens les plus pertinents de parvenir à davantage de justice sociale, et sur les frontières entre engagement militant et crime organisé. Marseille, où il est né, Sète, Montpellier, Paris, Orléans, Abbeville… La vie rocambolesque d’Alexandre Jacob passe par les cases prison, évasion et clandestinité jusqu’à son procès, en 1905 à Amiens, suivi, via l’île de Ré, par sa déportation à Cayenne, où il reste vingt-deux ans. Pour rendre au dessin ce parcours frénétique, le jeune Gaël Henry, 26 ans, a beaucoup puisé dans le style de Christophe Blain. On lui pardonne d’autant qu’il en tire le meilleur - le souffle, le mouvement -, s’inspirant aussi des dessins de presse du début du XXe siècle. Fabrice Piault