Nabokov est de saison. Après le remarquable essai biographique de Maurice Couturier, Nabokov ou la tentation française, paru ces jours-ci chez Gallimard dans la collection "Arcades", voici que nous arrive d'outre-Atlantique cet Enchanteur sous-titré Nabokov et le bonheur ; un livre, le premier de son auteure, porté par une rumeur flatteuse et un succès intrigant pour un essai, loué aussi bien par Orhan Pamuk que par Salman Rushdie. Délicieusement foutraque, porté par une allégresse et une érudition sans faille, n'assénant rien si ce n'est son plaisir à rôder en ces parages, cet Enchanteur-là est un objet littéraire pas vraiment identifié, furetant avec malice entre la biographie, l'autobiographie, le mémoire universitaire et, bien entendu, la recherche du temps et des pays perdus.
Pour faire simple, considérons que L'enchanteur est un roman d'amour. Celui qui unit son auteure, Lila Azam Zanganeh, aux livres, à la vie et finalement à la figure même de Nabokov. Née à Paris de parents iraniens exilés à la chute du chah, Azam Zanganeh est normalienne. Elle vit désormais à New York, enseigne à l'université d'Harvard et intervient régulièrement dans les pages livres du Monde, mais aussi du New York Times ou de La Repubblica. Le cosmopolitisme lui est comme une chanson douce et l'exil son climat naturel. Toutes choses de la vie qui la rapprochent de Nabokov, perçu ici comme un écrivain du bonheur, et d'abord du bonheur des mots, de leur joyeuse sensualité. Son fils, Dmitri Nabokov, mais aussi John Updike ou Jonathan Safran Foer l'ont accompagnée à divers titres, tout au long de l'écriture de ce livre merveilleusement impur qui n'est jamais tout à fait là où on l'attendrait et pose le contre-pied en art poétique. C'est infiniment troublant, d'une fidélité exemplaire à ce qui fonde le génie nabokovien.