Livres Hebdo - Depuis votre arrivée à la présidence de l’Association des professionnels de l’information, que vous partagez avec Anne-Marie Libmann, vous avez entrepris de faire bouger en profondeur votre association. Quelle position veut occuper aujourd’hui l’ADBS ?
Véronique Mesguich - En 1963, à l’époque où a été créée l’ADBS, l’économie était florissante, les entreprises ouvraient de grands centres de documentation et le métier de documentaliste, basé essentiellement sur le traitement de documents papier, était en plein essor. Aujourd’hui, à l’heure des ressources numériques et du flux, le terme même de document ne veut plus dire grand-chose et le métier s’est considérablement diversifié. Ces dernières années, nous avons assisté à la réduction massive dans les entreprises des effectifs dédiés à la documentation. Cela a été un choc pour les professionnels. Dans le même temps, le numérique a conduit au développement de nouveaux profils comme webmaster, community manager ou chargé de veille. L’ADBS veut être le reflet de cette diversité et promouvoir l’importance de nos métiers.
Quels sont vos grands axes de travail pour atteindre cet objectif ?
Nous avons entamé trois grands chantiers, liés entre eux. Le premier est celui de l’emploi. Nous allons déployer une offre emploi très fournie et ciblée, centrée sur l’évolution de la carrière de nos adhérents. Cette offre intégrera un effort particulier de ciblage des offres d’emploi sur le périmètre très large désormais couvert par les professionnels. Nous irons également plus loin en diffusant des analyses des tendances et des caractéristiques du marché, ainsi qu’une veille sur les besoins des entreprises et le repérage des bassins d’emploi.
La première étape de cette action emploi a été l’établissement d’une cartographie des métiers regroupés en sept familles. Nous souhaitons qu’elle devienne un cadre de référence et qu’elle aide les employeurs dans le recrutement de collaborateurs. Les entreprises ont des besoins en professionnels de l’information mais ne savent pas toujours comment les exprimer, car ils connaissent mal ces métiers nouveaux et assez complexes. Nous avons par exemple récemment aidé la DRH d’une école de commerce qui souhaitait recruter un responsable du numérique mais qui avait du mal à rédiger une fiche de poste.
Le second grand chantier est celui de la formation. Nous souhaitons donner plus de cohérence à notre offre de formation, et la faire mieux coïncider avec notre stratégie sur les métiers et sur les besoins du marché. Là encore, nous voulons aider les professionnels à gagner en compétence.
Enfin, nous voulons faire de l’ADBS un lieu de réflexion et de débat sur les grands sujets qui occupent la profession, comme l’open access, les questions de propriété intellectuelle à l’heure du numérique, les nouveaux modèles d’accès à l’information.
Le métier a beaucoup évolué mais le regard des entreprises sur les professionnels de l’information a-t-il changé ?
Nos métiers restent parfois encore mal connus, mais les entreprises prennent progressivement conscience de la valeur ajoutée des métiers de l’information. Nous étions auparavant considérés comme une simple « fonction support ». Il existe désormais dans les entreprises une fonction information, comme il existe une fonction juridique, qui joue un rôle stratégique à part entière. Les professionnels de l’information apportent une aide à la décision, ils ont des missions transversales qui ont un impact sur l’ensemble des services. Le regard des employeurs a changé également grâce à une nouvelle génération de professionnels, très bien préparés aux enjeux actuels de la gestion de l’information. Il y a incontestablement une montée en compétence des professionnels qui contribue à faire évoluer les choses. A l’ADBS, nous allons jouer plus pleinement un rôle d’advocacy, comme disent les Anglo-Saxons, pour faire évoluer ce regard. Mais nous ne pourrons pas le faire seuls. Nous allons renforcer les synergies avec les autres associations professionnelles, comme c’est déjà le cas au sein de l’Interassociation Archives Bibliothèques Documentation (IABD).
L’ADBS a-t-elle, comme c’est le cas dans l’ensemble du secteur associatif, du mal à recruter des adhérents et à les inciter à prendre des responsabilités dans l’association ?
C’est en effet un défi que nous avons à relever. Le modèle de l’association loi 1901 est un modèle d’engagement qui, à l’heure des réseaux sociaux, montre ses limites. De nos jours, cela ne va pas de soi pour les jeunes diplômés qui entament leur carrière d’adhérer d’emblée à leur association professionnelle. Nous devons les attirer en leur parlant de ce qui les intéresse. D’où nos efforts sur les trois sujets fondamentaux que sont l’emploi, la formation et la réflexion. Nous demandons aussi aux adhérents qui entrent dans le conseil d’administration ou le bureau de s’investir dans un grand dossier. C’est une manière de formaliser leur engagement et de donner un sens à leur implication.
Lors des dernières élections de son bureau en septembre dernier, l’ADBS a opté pour une coprésidence, assumée par vous-même et Anne-Marie Libmann. Pourquoi ce choix ?
La double présidence est un choix revendiqué. Notre association couvre un périmètre très large, nous avons 4 000 adhérents, ce qui est beaucoup, de nombreux chantiers en cours et des enjeux importants à défendre. Nous ne sommes pas trop de deux pour prendre en charge tout cela, car les responsabilités associatives sont très chronophages ! L’objectif de notre mandat est de faire évoluer l’image de nos métiers et de notre association.