31 JANVIER - ROMAN France

C'est peu dire qu'Andy Warhol est l'un des sujets qui fascinent le plus les écrivains. Il ne se passe pas une année, depuis sa mort en 1987, sans que ne se publient un recueil d'entretiens, les souvenirs de tel ou tel qui l'a connu, ou encore une analyse critique de son influence, de son oeuvre, de sa gloire, le tout dépassant largement les limites du domaine artistique. Warhol, devenu une espèce de vache sacrée, souffrait lui-même de son statut, et, à plusieurs reprises, remit en question son talent, son travail, sa notoriété, à propos de quoi il parlait d'"imposture". Tout en continuant quand même, et en encaissant des royalties considérables !

Le grand tournant, dans la vie de Warhol, se situe incontestablement le 3 juin 1968, quand Valerie Solanas, écrivain-comédienne hystérique et paranoïaque, tira sur lui au pistolet, en pleine Factory. Le corps massacré, Warhol en réchappa, mais au prix de souffrances atroces, d'opérations multiples, et ne s'en remit jamais, ne retrouvant pas vraiment une existence ni un psychisme "normaux". "Je suis un mort-vivant", avait-il coutume de dire. C'est cette date fatidique, ce basculement, qu'a choisi Brigitte Kernel comme point de départ de son roman.

Warhol, gravement traumatisé, y laisse libre cours à ses angoisses morbides, à son mysticisme - d'origine ruthène, il était de confession byzantine catholique -, à ses superstitions, à ses obsessions. Notamment sa laideur, vécue comme un handicap pour séduire les garçons dont il tombait amoureux. S'adressant à un psy imaginaire qui se révélera être le défunt Spencer, le garçon qui fut son premier amour - malheureux -, dans son enfance à Pittsburgh, il se livre à des confidences douloureuses, à une autoanalyse contre laquelle il lui arrive de regimber, mais il ira jusqu'au bout.

Ce choix du romanesque, avec le parti pris de donner la parole à Warhol en personne, qui était plutôt un taiseux, offre à Brigitte Kernel une totale liberté dans l'approche de son personnage et la réinterprétation de son parcours, tant personnel qu'artistique. Ce qu'elle lui fait raconter notamment à propos de Truman Capote, du beau et ambigu Joe Dallesandro, et de ses films "voyeuristes", dont Blow job, est passionnant et tout à fait plausible.

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