A l’âge où la plupart de ses amis ont tracé un plan de carrière, le narrateur du premier roman de Victor Pouchet, Pourquoi les oiseaux meurent, ne fait que tracer les mots d’une thèse qu’il n’arrive pas à achever et n’a d’autre plan que celui de se laisser porter par un quotidien que sa petite amie Anastasie a cessé de vouloir partager. Son activité principale : glander, ou plutôt flâner - il n’y a pas de raison que le farniente et la rêverie n’aient pas au même titre que la vie de bureau ou le brainstorming en entreprise leurs titres de noblesse. Tomber amoureux aussi, pas profondément, légèrement, de la première inconnue, la baudelairienne passante, brune, blonde ou rousse, car le désir est fait surtout de la matière des rêves. Et puis voilà qu’un jour un phénomène le détourne de ses chemins de traverse : une pluie pas comme les autres. Une pluie d’oiseaux : les volatiles meurent par centaines, milliers peut-être, ils tombent du ciel raides morts sur les bords de la Seine. Personne ne saurait dire pourquoi mais tout le monde a l’air de s’en fiche.
Notre héros flottant va quand même se décider à mener l’enquête, il embarque à bord du Seine Princess, péniche pour croisière fluviale, dont les passagers ont en moyenne 40 ans de plus que lui. Ainsi descend-il le fleuve vers Rouen, et rebrousse chemin vers les paysages de son enfance qu’il passa à Bonsecours, paisible bourgade normande. A y repenser, son lien avec la gent ailée ne date pas d’hier. Il y eut ce perroquet qu’il avait eu à 7 ans devenu fou, ce pigeon blessé que sa grand-mère avait soigné.
Plus le mystère s’épaissit - un retraité moustachu, spécialiste en balistique, lui explique l’utilisation de pigeon kamikaze pendant la Deuxième guerre -, plus l’affaire prend une tournure existentielle. Le passé relu : son père, ancien trotskiste, d’origine bourgeoise, qui dut renoncer à ses ambitions révolutionnaires ; son histoire d’amour avec Anastasie qui est partie à vau-l’eau. Les oiseaux sont tombés comme les illusions. S. J. R.