« En littérature, tout se lit, tout se vit », tout s'écrit, même les pires cauchemars. Céline Lapertot (Ne préfère pas le sang à l'eau, Viviane Hamy, 2018) les transforme ici en un magnifique récit autobiographique. « Il existe des familles dans lesquelles le mensonge fait vivre. C'est une nécessité », mais elle finit par empoisonner la narratrice, qui décrit les ravages d'une enfance brisée. Sa rage a été contenue si longtemps. Comment exprimer la honte ? Celle d'une fillette que son beau-père entraîne vers des sables mouvants.
« Les mots forment un magma un peu collant dans ses pensées brouillonnes. » Ils la chiffonnent, or il faut dénoncer ce bourreau et sa complice, la mère. « On aime. Avec nos chaînes. Avec notre muselière. » Comment s'en libérer ? Grâce à des tuteurs de résilience et à la puissance littéraire. L'auteure enseigne le français. En moins de cent pages, elle fait le portrait d'une petite fille et d'un pays broyés. Cette France qui « a, elle aussi, ses zones que personne ne nomme... ». Cécile Lapertot écrit à la pointe d'un couteau, trempé dans les larmes qu'elle n'a pas pu verser. La beauté des phrases tranche avec l'horreur d'un puissant traumatisme. Elle nous convie d'ailleurs à « la naissance d'un écrivain », qu'on se réjouit de voir grandir à ce point.
Céline Lapertot
Ce qui est monstrueux est normal
Viviane Hamy
Tirage: 6 000 ex.
Prix: 12,50 euros ; 96 p.
ISBN: 979-10-97417-37-6