4 NOVEMBRE - RÉCIT France

Quelque part au coeur des montagnes pyrénéennes, à moins que ce ne soit dans quelque cossu cabinet parisien, réside l'un des secrets les mieux gardés et les plus précieux de la littérature française contemporaine. Matthieu de Boisséson s'accommode de ce silence qui l'habille de vertu. En vingt ans, il a publié trois livres, dont deux romans. Le dernier, Le grand chariot (Gallimard, 2002), sublime récit d'une passion chaste entre frère et soeur, entre Paris et Pays basque, à l'heure du basculement de 68, constitue comme un art poétique. Il revient en cette fin d'année avec Echapper aux tueurs, qui se veut relever du genre mallarméen des "mélanges" et serait en réalité comme un journal de bord d'une douce insurrection poétique, un pêle-mêle profane et luxueux... Le réel qu'y recompose Matthieu de Boisséson est comme une suite de poignantes épiphanies. Au fil de la promenade, on y croisera des mannequins bonnes camarades, un milliardaire russe à la recherche d'une femme noire, un tableau de Cranach, une "exécutive woman" londonienne, la tendresse des gaves qui coulent vers Oloron-Sainte-Marie (lieu de naissance de l'auteur, dans la mesure où il faudrait lui accorder un autre pays que l'enfance préservée), les Galeries Lafayette, un bestiaire merveilleux et pour finir, et dire les beautés et fragilités du monde, les broderies de François Lesage. Bref, c'est un livre qui divague. Qui perd son temps, comme on ne sait plus le faire ni le lire. Avec une infinie délicatesse qui n'est pas sans rappeler les meilleures pages de son amie Florence Delay, Matthieu de Boisséson s'y autorise toutes les libertés. Avocat d'affaires spécialisé dans la résolution de conflits commerciaux internationaux, il connaît d'expérience les tours et détours de la vérité. La sienne dans ces pages est ontologiquement poétique. C'est la seule qui vaille.

Les dernières
actualités