8 mars > BD Italie > Jerry Kramsky et Lorenzo Mattotti

Il a publié plusieurs livres d’illustrations dont un Mattotti works dédié à la mode (Casterman, 2014), compilé quelques histoires courtes, réédité une adaptation de jeunesse. Mais cela faisait quatorze ans, depuis Le bruit du givre (avec Jorge Zentner, Seuil, 2003, réédition Casterman, 2011), que Lorenzo Mattotti n’avait plus publié de nouvelle bande dessinée. L’artiste italien, parmi les références mondiales du genre et objet en 2016 d’un monumental Lorenzo Mattotti : dessins & peintures (MEL Publisher), a surtout collaboré avec le cinéma, d’Antonioni à Soderbergh et Wong Kar-wai.

Le voici pourtant de retour avec un album inclassable. Epaulé au scénario par son ami Jerry Kramsky, avec lequel il a déjà signé une douzaine de livres pour la jeunesse et de bandes dessinées dont Feux, Docteur Nefasto, Murmure et une adaptation de Docteur Jekyll & Mister Hyde (désormais chez Casterman), il signe une forme de conte spirituel fantastique influencé par Fred et Mœbius, une quête initiatique dans un univers onirique confronté à des défis très contemporains : rapport à la nature, respect des différences.

Les Guirs, sortes de morses sur pattes qui peuplent Guirlanda, sont des êtres pacifiques, aux mœurs et aux croyances simples, voire naïves, rappelant non seulement les Moumines de la Finlandaise Tove Jansson, référence assumée, mais aussi les Shadoks de Jacques Rouxel (fin des années 1960). L’un d’eux, Hippolyte, fils du chaman de la communauté, se languit de sa femme, Cochenille, disparue depuis une semaine. Sur ses traces, il s’aperçoit qu’elle s’est en fait isolée pour accoucher. Mais son périple et cette naissance vont provoquer de multiples dérèglements dans la vie des Guirs.

De sa plume inventive, Lorenzo Mattotti met tout leur monde en mouvement. Les plantes, les montagnes, les cours d’eau et des créatures improbables - singes de la pluie, museaux fripés, oiseaux-léopards ou limace des marécages -, dont certaines évoquent les yokai, ces esprits surnaturels du folklore japonais, sont entraînés dans une sarabande que le dessinateur mène avec une réjouissante liberté. Graphiquement éloigné des albums très picturaux de ses débuts, mais aussi de la Ligne fragile (Seuil, 1999) dont il s’est fait le théoricien, il retrouve en noir et blanc, avec beaucoup plus de spontanéité et de légèreté, le style de Stigmates (Seuil, 1998, repris chez Casterman) : travail du trait singulier ou hachuré, rondeurs, jeux sur les reliefs et les contrastes. Du grand art. Fabrice Piault

Les dernières
actualités