C’est l’une des institutions les plus originales au monde. On y fait de la recherche librement et on y enseigne librement à tous ceux qui veulent bien se donner la peine d’entendre le fruit de cette recherche. Depuis sa fondation par François Ier, le Collège de France s’est imposé comme une université différente qui fonctionne hors de l’Université, car elle ne délivre pas de diplôme.
Antoine Compagnon (littérature française moderne et contemporaine), Pierre Corvol (médecine expérimentale) et John Scheid (religion, institutions et société de la Rome antique) se sont transformés en guides de la vénérable institution. Très illustré, l’ouvrage explique le fonctionnement de l’établissement, la manière dont sont créées les chaires par l’assemblée des professeurs, et déroule sa longue chronologie.
Car depuis 1530, les soubresauts de l’histoire n’ont pas manqué : pendant la Révolution française, celle de 1848, la Première Guerre mondiale durant laquelle les chimistes du Collège travaillèrent sur les gaz de combat, ou l’Occupation qui voit les professeurs juifs exclus. Les auteurs reviennent aussi sur quelques célèbres polémiques : Michelet accusé de faire un "cours de passion" républicaine plutôt qu’un cours d’histoire ou Renan fustigé par les républicains et les catholiques pour son approche "hérétique" des religions.
Sous François Ier, il n’y avait que six "lecteurs royaux". Aujourd’hui, il y a 52 chaires dans presque tous les domaines du savoir. C’est peu, mais c’est ce qui fait le prix de ces places très convoitées. Car si le Collège avait suivi l’évolution de l’enseignement supérieur en France, il compterait aujourd’hui plus de 1 600 professeurs !
Héritier de l’esprit de la Renaissance, le Collège de France reste un modèle français exportable - il a inspiré l’Institute for Advanced Study de Princeton - qui met en avant la recherche sans miser sur la rentabilité immédiate. Au travers de portraits de savants, de documents et d’archives, les auteurs montrent comment ce collège unique s’est ouvert au XXIe siècle tout en conservant sa devise latine "Docet omnia" ("Il enseigne tout"). En somme, ne rien renier de son histoire sans en être prisonnier. L. L.